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Voltaire, Le Monde comme il va

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Voltaire, Le Monde comme il va

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Les planètes du Petit Prince

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Les planètes du Petit Prince

En 6 e , Le Petit Prince peut être lu d'innombrables manières. On se propose dans cette séquence de percevoir la réflexion sur la nature qu'engage l'écrivain Antoine de Saint Exupéry.

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Candide - Voltaire

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Candide - Voltaire

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Micromégas - Voltaire

Téléchargez   gratuitement  le livret pédagogique de Micromégas pour accompagner vos élèves dans l’étude de cette œuvre audacieuse et éclairante.

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Les vrais sages sont des rebelles !

Les vrais sages sont des rebelles !

L'interview de Chiara Pastorini Pourquoi une bande dessinée sur les grands philosophes, et à travers eux l’histoire de la pensée, à destination des enfants (petits et grands) ? Il n’existe pas d’histoire de la philo en bande dessinée pour les enfants à partir de 8 ans, le livre permet donc aux plus jeunes de se familiariser de façon ludique à la pensée et à la vie des grandsphilosophes. La bande dessinée permet aussi de montrer que les philosophes classiques, ayant vécu pour certains plus que deux mille ans avant nous, ont encore des choses à nous dire aujourd’hui et peuvent toujours nous aider à mieux vivre au quotidien. Par exemple les préceptes stoïciens, en distinguant ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, peuvent nous aider à mieux diriger nos attentes et nos désirs. Epicure peut nous aider à mieux faire face à la mort et à ne pas en avoir peur. Le questionnement des philosophes de la tradition classique fait par ailleurs écho au questionnement des enfants (qui commencent à se poser des questions philosophiques dès 3-4 ans…). Ces derniers (ou leur parents) peuvent donc trouver dans cet ouvrage des réponses, mais aussi surtout une façon d’aborder les questions. Le coté humoristique de l’ouvrage permet, enfin, de toujours garder une certaine distance par rapport à la pensée des philosophes, de la remettre en question de manière drôle. En ce sens la parole du philosophe ne limite jamais la liberté de pensée de l’enfant, au contraire, elle invite ce dernier à développer son esprit critique et à se construire une sagesse personnelle tout en s’amusant. Vous avez l’habitude de parler philosophie aux enfants, notamment dans vos ateliers. Sont-ils sensibles à la philosophie ? Oui. J’ai fondé Les petites Lumières, un projet d’initiation à la philosophie pour les enfants et les adolescents, il y a quelques années, et dans le cadre des ateliers que j’anime, je le constate régulièrement. Dès que le langage se met en place de façon complexe, vers 3-4 ans, les enfants commencent à se poser des questions philosophiques - sur leur identité, sur les autres, sur le monde qui les entoure - mais ils n’ont pas forcement la possibilité d’en discuter en famille ou à l’école. Les vrais sages sont des rebelles offre donc un espace de réflexion guidée pour que les enfants puissent aborder des questions qui leur tiennent au coeur : le bonheur, l’amitié, la justice, le rapport aux autres animaux, l’environnement etc. En quoi ces philosophes sont-ils des « rebelles » ? Chacun de ces philosophes a, à sa manière, adopté un point de vue différent par rapport à la vision du monde de son époque. Prenons par exemple Montaigne (XVIe siècle) : sa vision des animaux, qu’il ne considère pas inférieurs à l’homme, est très moderne. Ainsi que la vision que Rousseau (XVIIIe siècle) a de l’enfant et de l’éducation qu’il devrait recevoir. Sans parler de Socrate, Diogène, Nietzsche, Marx, Olympe de Gouges ou Simone de Beauvoir (eh oui, dans cette BD il y a aussi des femmes !...). Ce n’est pas toujours facile de faire comprendre des concepts difficiles. Comment se sont passées l’écriture et la collaboration avec Perceval Barrier, l’illustrateur ? Très bien ! Perceval a su avec humour et justesse donner corps à des concepts qui parfois sont en effet difficiles à comprendre. Ses illustrations prolongent le texte et contribuent à en construire le sens. Sans compter que j’aime beaucoup son trait affirmé et dynamique à la fois !  Enfant ou adolescente, auriez-vous aimé lire cette BD ? Oui. Et même adulte ! La bande dessinée "Les vrais sages sont des rebelles" Un livre pour découvrir en quoi la philosophie peut nous éclairer sur la façon de conduire notre vie, nous permettre d’acquérir un esprit critique et de fournir des outils pour se construire une sagesse personnelle ! Une autre façon de parler de philo aux enfants, plus incarnée, à travers des histoires personnelles, des anecdotes, de l’humour.  Socrate, Platon, Sénèque, Kant, Marx, Simone de Beauvoir… : les grands philosophes ont chacun, un jour, révolutionné la façon de penser. Aujourd’hui encore, ils nous invitent à prendre du recul, à repenser notre place dans le monde. Et à élargir notre horizon. Une bande-dessinée pour les enfants (petits et grands) dès 9 ans...et jusqu'à 109 ans !  En savoir plus et commander Chiara Pastorini , philosophe praticienne, animatrice et formatrice en philosophie avec les enfants, a fait ses études entre l’Italie, les Etats-Unis et la France, et soutenu sa thèse de doctorat sur Ludwig Wittgenstein à Paris 1 Sorbonne. Elle est chargée d’enseignement à l’université Paris 9 Dauphine (cours de philosophie Grands Enjeux Contemporains). Elle a publié en 2019, chez Nathan, un manuel pour les enseignants de cycles 2 et 3 Une année d’ateliers philo-art. Elle est l’autrice également de l’album. "Qu’est-ce qu’un humain ?" et de son jeu associé "A la découverte des émotions" (L’initiale,2020), de Galilée part en vrille (Les petits Platons, 2019), du CD "La philosophie racontée aux enfants" (par François Morel, Frémeaux éditions, 2019), de l’album "Pourquoi je ne suis pas un griffon ?" "Une aventure avec Platon" (Les Petites Lumières Editions, 2016) et de Ludwig Wittgenstein. "Une introduction" (Pocket, 2011). Elle collabore régulièrement à "Philosophie Magazine" et elle conçoit le scénario de la page BD L’atelier philo dans la revue belge Philéas et Autobule. Elle est la fondatrice du projet "Les petites Lumières" et anime des ateliers un peu partout : dans les écoles, dans les bibliothèques, dans les cafés. En 2015 et 2016 Chiara a collaboré à un projet de l’Éducation Nationale contre le décrochage scolaire dans les villes de Sarcelles et Argenteuil, où elle a suivi des adolescents qui étaient en grande difficulté scolaire. Formatrice en philosophie pour les enfants, Chiara assure actuellement des formations pour tous ceux qui souhaitent entreprendre cette aventure. Depuis 2017, elle est formatrice aussi pour la Fondation SEVE (Savoir Être et Vivre Ensemble). Chiara est maman de trois garçons et d’une fille, qui, comme tous les enfants, lui posent souvent des questions métaphysiques déroutantes ! Preface de Charles Pepin : philosophe et romancier français, est né en 1973 à Saint-Cloud. Il est l’auteur des best-sellers Les Vertus de l’échec (Allary Éditions, 2016), "La Confiance en soi" (Allary Éditions, 2018) et "La Planète des sages" (Dargaud, 2011 et 2015) et "50 nuances de Grecs" écrit en collaboration avec Jul. L’illustrateur : Perceval Barrier est né en 1983. Il a grandi dans les Corbières puis il a étudié le graphisme à l’ÉSAD d’Amiens. Il est graphiste à Lyon et illustrateur de plusieurs albums, notamment en collaboration avec Matthieu Sylvander et Thomas Bretonneau.

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Le Monde comme il va - Voltaire

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Zadig - Voltaire

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Crime et Châtiment de Dostoïevski, adapté par H. Iwashita - Pédagogie
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Crime et Châtiment de Dostoïevski, adapté par H. Iwashita - Pédagogie

Par Clément Hummel, professeur de Lettres modernes Séquence réalisée en partenariat avec les éditions Kurokawa Est-il raisonnable de donner à lire et à étudier à des élèves de lycée un texte aussi vaste et aussi complexe que Crime e t Châtiment de Fiodor Dostoïevski ? Si on omet la longueur du roman pour lui préférer une lecture par extraits, celle-ci pourra dérouter des élèves aux capacités de lecture très hétérogènes, pas tant pour son style en réalité plutôt accessible, qu’en ce qui concerne la puissance conceptuelle de l’œuvre : ce roman développe des propos philosophiques complexes qui méritent un accompagnement, et un temps d’étude. L’adaptation en manga rend les idées exprimées à travers le parcours et la philosophie de Rodion Raskolnikov accessibles à des adolescents dont le regard sur le monde prend de l’ampleur et se construit à partir d’expériences personnelles comme de la fréquentation des œuvres de fiction, qu’elles soient littéraires ou cinématographiques. Cette œuvre peut ainsi trouver sa place en 2 de , en lecture cursive en 1re dans le parcours « Personnages en marge, plaisirs du romanesque » et pourquoi pas également en HLP.   Lire Dostoïevski ? Pour contourner les principales difficultés de l’œuvre – sa longueur, l’exposition de doctrines philosophiques abstraites, l’arrière- plan historique et religieux – il serait tout à fait envisageable de proposer une version abrégée de l’oeuvre à destination d’un public scolaire, expurgée de passages descriptifs dont les enjeux littéraires et culturels – la Russie à la fin de l’époque des tsars – peuvent paraître éloignés de ceux de la France du XXI e siècle. Or, il n’existe pas, pour l’heure, d’édition abrégée de Crime et Châtiment . Plusieurs fois adapté au cinéma, notamment par Georges Lampin en 1956 avec Jean Gabin et Robert Hossein, l’histoire reste accessible de façon condensée sur d’autres supports. Néanmoins, l’étude d’un film mobilise d’autres compétences de lecture et d’analyse que celles que l’on peut chercher à développer chez des lycéens, d’autant plus que l’effet de séduction de l’œuvre risque d’être mineur. Alors, de la même manière que la lecture des Misérables en 4 e se conçoit difficilement sans le recours à la version abrégée, lire Crime et Châtiment au lycée peut-il s’envisager par le biais du manga ? Évitons le débat sur la légitimité de présenter en lecture cursive ou en œuvre intégrale une œuvre « librement inspirée », pour reprendre les mots de l’éditeur, du matériau d’origine, qui plus est quand celle-ci réduit le texte littéraire pour offrir un support visuel avec ses codes spécifiques, et posons la question dans l’autre sens : que peut apporter à des lycéens la lecture de l’adaptation en manga de Crime et Châtiment , réalisée par Hiromi Iwashita 1 ? Le manga comme nouvel avatar du mythe littéraire Plutôt que de considérer l’adaptation comme une réduction ou une trahison du roman de Dostoïevski, voyons celle-ci comme une nouvelle hypothèse de lecture. Dans une lettre envoyée à Mikhaïl Katkov, fondateur du Messager russe, datée du 25 septembre 1865, Dostoïevski décrit un projet de nouvelle, annonciateur des grands thèmes de Crime et Châtiment : déjà, les ambitions de Dostoïevski étaient de présenter une œuvre dans l’immédiateté de son époque. Bien que les errances philosophiques de Raskolnikov confèrent au roman la forme de l’apologue, l’action décrit essentiellement un monde urbain en pleine transformation architecturale, politique et sociale, dont le grand paradoxe est que pour se rendre à la prestigieuse université où ont lieu les enseignements et débats d’idées tirés des Lumières, les étudiants comme Raskolnikov habitent en périphérie de la ville, dans de minuscules chambres crasseuses et misérables, et vivent dans une grande solitude. Ces deux mondes sont partagés par une frontière elle-même paradoxale, la majestueuse mais dangereuse Neva : son omniprésence à Saint-Pétersbourg est l’occasion de nombreuses inondations, mais c’est en la contemplant symbole si romantique, que Raskolnikov échafaude sa philosophie. Dans le manga, Raskolnikov a deux scènes d’épiphanie quand il la traverse. Une première fois, après avoir caché les bijoux volés, la vue de la Neva apaisée lui inspire un profond sentiment de nostalgie : « Quand j’allais à l’université, je traversais ce pont tous les jours. Revoir la majestueuse Neva me fait quelque chose. J’ai souvent eu des idées révolutionnaires ou ai réfléchi à des questions philosophiques en contemplant ce paysage, mais j’ai fini par cesser de penser. » La seconde précède sa recherche d’expiation, faisant face au fleuve déchaîné sous la pluie : « Ce que je crains le plus c’est de connaître la honte. Je ne supporte pas de voir les inégalités de la société. Je ne peux plus faire semblant de ne rien voir. […] Je voulais qu’il soit plus fort que celui de quiconque ! Mon orgueil !! » Si le passage au support graphique éloigne le narrateur dostoïevskien, la focalisation se fait sur Raskolnikov qui devient narrateur-personnage et amène plus naturellement le lecteur à comprendre sa pensée, ses actes. On échappe de cette manière au risque d’une première lecture manichéenne du récit, dans laquelle le lecteur ne pourrait moralement se ranger du côté du personnage. Cette simplification permet au contraire de nuancer la lecture et on accompagne de cette manière Raskolnikov dans sa solitude, sa misère, ses égarements, sa folie et sa recherche de rédemption. En toile de fond se trouve représentée Saint-Pétersbourg dans un style semi-réaliste dont l’architecture et l’urbanisme sont assez fidèlement reproduits, parvenant à rendre sensibles l’extrême pauvreté de certains quartiers et la beauté architecturale de la ville, qui s’industrialise au début des années 1860. Cette précision du style graphique illustre le propos de Bakhtine à propos du roman, que l’on pourrait rapprocher d’un effet de réel chez Barthes : « Le seuil, l’entrée, le couloir, le palier, l’escalier, ses marches, les portes ouvertes sur l’escalier, les porches dans les cours puis, au-delà, la ville, les places, les rues, les façades, les cabarets, les bouges, les ponts, les fossés, voilà l’espace de ce roman. En fait, on n’y trouve jamais les intérieurs qui ont oublié le seuil (salons, salles à manger, salle de fête, cabinets de travail, chambres à coucher) et où se déroulent les événements et la vie biographique dans les romans de Tourgueniev, Tolstoï, Gontcharov, etc. Nous découvrons évidemment la même organisation de l’espace dans les autres romans de Dostoïevski 2 . » Pour Maria Gal, qui travaille sur la représentation du mythe urbain de Saint-Pétersbourg chez Dostoïevski, « Crime et Châtiment, publié en 1866, est considéré comme le plus pétersbourgeois des romans dostoïevskiens, à tel point qu’il est devenu l’un des emblèmes de la ville, et a été intégré à son patrimoine culturel. Aujourd’hui, le Saint-Pétersbourg de Crime et Châtiment est valorisé, et organisé en circuits touristiques de manière à répondre à la demande du touriste-lecteur venu parfois de loin pour parcourir les itinéraires de Raskolnikov. » La description de la ville oscille sans cesse entre écriture réaliste et fantastique : réalisme car Dostoïevski y peint à la fois la physionomie de la ville et celle de la population péterbourgeoise ; fantastique pour les nombreuses évocations oniriques qui parcourent le roman. Il y a donc une ville « vraisemblable, typographiquement exacte » et une autre avec laquelle elle coexiste en contradiction qui se présente comme une « entité vivante et néfaste » 3 . La richesse de la description de la ville permet au roman de ne pas se réduire à l’exposition de ses théories philosophiques. 1. L’orthographe des noms propres utilisée dans l’article reprend celle du manga. 2. Mikhaïl Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski , chapitre 2, Paris, Le Seuil, 1970. 3. Maria Gal, « Le Saint-Pétersbourg de Dostoïevski : de la généralisation du mythe urbain à l’individualisation de l’espace vécu », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement, 31 | 2016.

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Chronique littéraire : Georges Forestier, Molière
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Chronique littéraire : Georges Forestier, Molière

Par Edith Wolf Molière, de la fin d’une légende à l’histoire d’une œuvre La vie de Molière telle qu’on la raconte est, pour l’essentiel, une « vie imaginaire » à la Marcel Schwob. L’origine de cette légende est le récit publié en 1705 par Grimarest sous le titre Vie de M. de Molière , texte qui fit autorité d’autant plus facilement qu’il ne reste aucun document autographe du dramaturge. Or Grimarest fut critiqué dès la parution de son livre, et Boileau, par exemple, estime qu’il « se trompe sur tout ». La biographie de Georges Forestier se propose de mettre à mal cette tradition légendaire et de lui substituer, non un récit de la vie privée de l’homme Molière, mais une restitution de l’univers social, politique, philosophique et esthétique dans lequel il a produit son œuvre et incarné ses personnages. On voit ainsi mis à mal des clichés comme l’hostilité du père à la vocation de son fils, les démêlés conjugaux qui expliqueraient l’omniprésence du thème du cocuage, les ennuis de santé où l’on verrait l’origine de la satire des médecins. En rappelant que la source de sujets comme le cocuage ou la médecine est à chercher dans une tradition populaire héritée du Moyen Âge qui était revenue fort à la mode, en montrant le lien entre l’attitude du roi envers Tartuffe et l’histoire de ses relations avec les Jansénistes et les autorités ecclésiastiques, Georges Forestier permet au lecteur de comprendre les enjeux intellectuels et politiques du théâtre de Molière. Mais il montre surtout l’extraordinaire capacité du dramaturge à se nourrir de tout ce qu’il découvre aussi bien dans le répertoire des Italiens et dans les pièces espagnoles à la mode que dans les sources antiques ou le jeu des acteurs de farces. On voit ainsi surgir, à la place du malade persécuté et cocu, un homme solide, riche et aimé, célèbre dans toute l’Europe, au fait des codes galants et constamment soutenu par le roi malgré son adhésion probable à un scepticisme fondamental. L’univers ainsi restitué est passionnant et, si l’on peut s’interroger sur la certitude affirmée de Georges Forestier quant à la « normalité heureuse » de la vie privée de Molière, on trouve dans son ouvrage de précieux éclairages sur l’œuvre de l’auteur. Georges Forestier, Molière, Gallimard, 544 pages, 24 €

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Chronique littéraire : Georges Forestier, Molière
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Sélection culturelle

Chronique littéraire : Georges Forestier, Molière

Par Edith Wolf Molière, de la fin d’une légende à l’histoire d’une œuvre La vie de Molière telle qu’on la raconte est, pour l’essentiel, une « vie imaginaire » à la Marcel Schwob. L’origine de cette légende est le récit publié en 1705 par Grimarest sous le titre Vie de M. de Molière , texte qui fit autorité d’autant plus facilement qu’il ne reste aucun document autographe du dramaturge. Or Grimarest fut critiqué dès la parution de son livre, et Boileau, par exemple, estime qu’il « se trompe sur tout ». La biographie de Georges Forestier se propose de mettre à mal cette tradition légendaire et de lui substituer, non un récit de la vie privée de l’homme Molière, mais une restitution de l’univers social, politique, philosophique et esthétique dans lequel il a produit son œuvre et incarné ses personnages. On voit ainsi mis à mal des clichés comme l’hostilité du père à la vocation de son fils, les démêlés conjugaux qui expliqueraient l’omniprésence du thème du cocuage, les ennuis de santé où l’on verrait l’origine de la satire des médecins. En rappelant que la source de sujets comme le cocuage ou la médecine est à chercher dans une tradition populaire héritée du Moyen Âge qui était revenue fort à la mode, en montrant le lien entre l’attitude du roi envers Tartuffe et l’histoire de ses relations avec les Jansénistes et les autorités ecclésiastiques, Georges Forestier permet au lecteur de comprendre les enjeux intellectuels et politiques du théâtre de Molière. Mais il montre surtout l’extraordinaire capacité du dramaturge à se nourrir de tout ce qu’il découvre aussi bien dans le répertoire des Italiens et dans les pièces espagnoles à la mode que dans les sources antiques ou le jeu des acteurs de farces. On voit ainsi surgir, à la place du malade persécuté et cocu, un homme solide, riche et aimé, célèbre dans toute l’Europe, au fait des codes galants et constamment soutenu par le roi malgré son adhésion probable à un scepticisme fondamental. L’univers ainsi restitué est passionnant et, si l’on peut s’interroger sur la certitude affirmée de Georges Forestier quant à la « normalité heureuse » de la vie privée de Molière, on trouve dans son ouvrage de précieux éclairages sur l’œuvre de l’auteur. Georges Forestier, Molière, Gallimard, 544 pages, 24 €

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Dire les petites et les grandes violences - Entretien avec Jerôme Ferrari
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Dire les petites et les grandes violences - Entretien avec Jerôme Ferrari

Propos recueillis par Claire Belin-Bourgeois et Françoise Rio Si l’œuvre romanesque de Jérôme Ferrari a évolué depuis Le Sermon sur la chute de Rome , couronné par le prix Goncourt en 2012, on retrouve dans ses onze romans publiés chez Actes Sud un même ancrage en Corse, une écriture ardente, une douloureuse interrogation sur les violences de l’Histoire récente. Jérôme Ferrari vit en Corse et enseigne la philosophie en classe de terminale dans un lycée d’Ajaccio et en hypokhâgne à Bastia. Votre dernier roman, À son image , met en scène un prêtre qui célèbre l’office funèbre de sa filleule, jeune photographe morte dans un accident de voiture. Comment sont nés ces personnages fictifs ? Tous deux étaient présents dès l’origine du roman, centré sur la question de l’image. Je voulais traiter de la fonction de représentation des images, notamment de la photographie de presse, mais aussi du rôle de l’image dans le développement du catholicisme. Par ailleurs, la question de la théodicée m’intéresse. Néanmoins, je ne peux travailler l’écriture d’un roman à partir de données abstraites, j’ai besoin d’éléments concrets. Ainsi, pour moi qui ne suis pas croyant, il était intéressant de chercher à voir, de l’intérieur, comment un prêtre pouvait aborder ces questions ou leur apporter une solution. Peut-être étais-je aussi sous l’influence, plus ou moins consciente, des romans de Georges Bernanos. Quant au personnage de la jeune femme, il est lié au travail sur le photo-reportage que j’avais fait antérieurement. Je savais d’emblée qu’il y aurait un lien de parenté entre le prêtre et la jeune femme et que la mort de celle-ci serait connue dès le début du roman. Quelle importance a eu, dans la genèse du roman, sa composition en forme de messe funèbre ? Je ne peux commencer à écrire qu’à partir du moment où j’ai trouvé l’agencement général du roman. Pour celui-ci, ce sont les textes rituels, les moments liturgiques, qui résonnent sur l’ensemble des chapitres. Ce qui m’intéresse, c’est la fécondité que l’aspect formel peut avoir sur le fond d’un roman. Il ne s’agit pas, pour moi, d’écrire des textes que je mettrais en forme après. La composition est toujours première. Plusieurs formes de violence se manifestent dans vos romans. S’agit-il de créer des échos entre la violence spécifique à la Corse et d’autres violences, plus lointaines, telles que celles de la guerre en ex-Yougoslavie qui est évoquée dans À son image ? Il faut être précautionneux si l’on parle d’ « échos », car il ne s’agit pas de comparaison entre ces formes de violence, sinon cela génère des contresens de lecture. Ainsi, lors de la parution d’ À son image , certains journalistes m’ont dit que je présentais les nationalistes corses comme des abrutis, ce qui n’est pas du tout mon propos. Je voulais simplement montrer les choses de l’intérieur. Ce qui m’intéresse dans le personnage de la photographe, c’est son aveuglement par rapport à la violence qui l’environne. Le prêtre dit que cette jeune femme ne comprend pas que le péché ne se quantifie pas : je partage assez l’idée que le péché peut se trouver aussi bien dans les petites que dans les grandes choses, et que l’on peut rapprocher les petites et les grandes violences. Comment travaillez-vous l’écriture dans vos différents romans ? Ma manière d’écrire a beaucoup changé depuis mes deux premiers romans. Quand j’ai commencé, j’écrivais vraiment à la ligne, j’écrivais beaucoup et ensuite je reprenais. Plus le temps passe, plus j’écris avec une atroce lenteur, mais j’ai beaucoup moins de choses à modifier par la suite. La lenteur de l’écriture limite mes capacités de transformation, ou alors il faudrait que je casse absolument tout. Toutefois, cela dépend des textes. La première chose qui m’est venue pour écrire Où j’ai laissé mon âme , c’est le ton du personnage qui parle, et qui a entraîné à peu près tout le reste. Il y a certes du travail, mais, avant d’écrire, il faut une mise en condition psychologique ou musicale. Je ne sais pas retravailler un texte après-coup pour lui donner le ton que je voudrais : il faut que je sois dans le ton d’abord. Après, je peux revenir sur les détails du texte, que je relis à voix haute pour en corriger uniquement les éléments rythmiques et euphoniques, ou parfois changer un mot qui ne convient pas. Après quelques romans, j’ai eu l’impression que, devenu trop à l’aise dans un certain style, je courais le risque de l’auto-parodie, comble du ridicule et du tragique. Il y a une forme d’automatisme dans laquelle on risque toujours de se laisser prendre, malgré soi. C’est pourquoi, dans Où j’ai laissé mon âme , notamment, j’ai voulu changer de manière d’écrire sans avoir pour autant l’intention d’entreprendre une révolution stylistique à la Romain Gary. J’avais seulement besoin de passer à quelque chose qui me soit un peu moins familier. J’ai aussi opéré ce genre de changement en écrivant Dans le secret , ou Un dieu, un animal , mon cinquième roman. On évoque souvent le « pessimisme » ou la « vision sombre » qui émaneraient de vos romans. Cautionnez-vous ces qualifications ? Je ne me sens pas particulièrement pessimiste. L’optimisme et le pessimisme ne sont pas des catégories qui me conviennent car je ne les trouve guère pertinentes. Je souscris volontiers à la phrase de Bernanos dans les Grands cimetières sous la lune qui voit en l’optimisme une forme de sécheresse du cœur : « L’optimisme m’est toujours apparu comme l’alibi sournois des égoïstes, soucieux de dissimuler leur chronique satisfaction d’eux-mêmes. Ils sont optimistes pour se dispenser d’avoir pitié des hommes, de leur malheur ». Aujourd’hui, l’ambiance sociale tend à valoriser l’optimisme, par exemple lors de ces séminaires d’entreprises où l’on vous explique comment surmonter ses échecs pour se renforcer soi-même. Il y a derrière cela une idéologie qui me paraît immonde, consistant à dire que chacun est responsable de ses échecs, que, si on ne va pas bien, ce serait faute d’avoir bien pris les choses … etc. Or, le monde est comme il est, cela relève du fait et non d’une orientation d’humeur. Et quand on me dit parfois que, dans mes romans, je devrais voir le bon côté des choses, cela m’énerve presque autant que les entendre qualifiés de « romans philosophiques » : réflexions triviales ou absurdes. Pourquoi tous vos romans sont-ils situés en Corse ? C’est l’endroit du monde que je connais le mieux et sur lequel je suis le moins susceptible d’écrire des bêtises. Je trouve que c’est un lieu particulièrement intéressant du point de vue littéraire, pour de multiples raisons, tenant à l’histoire, à la culture, à l’omniprésence de la violence qui marque la géographie. La Corse est en outre, comme un condensé de modernité, un pays qui ne vit que du tourisme de masse, ce qui retentit beaucoup sur la vie de ses habitants : l’alternance brutale du désert et de la frénésie ne laisse pas les gens indemnes. Je suis par ailleurs très sensible à la fantasmagorie de la construction identitaire. Je suis originaire de Fozzano, le village qui a servi de « modèle » à Mérimée pour l’écriture de Colomba , et je trouve intéressant de se réapproprier ces processus qui conduisent à des clichés. Ce qui m’intéressait, auparavant, c’était d’écrire un roman qui se passe en Corse mais qui ne soit pas lu comme un roman régional. C’était un grand problème il y a une quinzaine d’années, quand la question du regard sur la Corse était très déterminée par des représentations figées. Ainsi, je reste persuadé qu’en 2002 Le Sermon sur la chute de Rome (publié en 2012) n’aurait pu avoir le Goncourt. J’en suis sûr, parce que la première fois qu’à la télévision on a parlé d’un de mes romans, c’était sur fond de polyphonies et d’images de plages, qui n’avaient pourtant rien à voir avec le récit en question. En dehors de cet ancrage géographique, avez-vous un sentiment d’appartenance à une communauté ? J’appartiens à plein de choses. Cela ne me dérange pas de penser que mes livres appartiennent à la littérature corse autant qu’à la littérature française. J’ai par ailleurs des liens intellectuels étroits avec Marcu Biancarelli dont j’ai traduit en français les livres écrits en corse, ou avec Thierry de Peretti, le réalisateur d’ Une vie violente . On a tous à peu près le même âge, ce qui n’est pas un hasard, on a commencé en même temps, on a vécu les mêmes choses, et on y a réagi de manière esthétique de façon assez similaire, sans doute. Mais je ne vois pas ce qui pourrait faire de nous un groupe, et je nous imagine mal écrire un manifeste.

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Paris-New York Weekend
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Sélection culturelle

Paris-New York Weekend

The Théâtre de la Ville in Paris is turning all New York for a mini-season and particularly the weekend of 8-9 October. The Théâtre de la Ville has pioneered an exchange with the Brooklyn Acadamy of Music , a cutting-edge performance venue in the super-trendy borough of New York. The Paris end of it runs till 16 October, with many events this weekend. Some highlights: The Undertaking : Great title for a play about death, with the equally awesome subtitle "Tales from the underworld and the afterlife". The theatre and video performance (in English with French overtitles) is based on 200 interviews with morticians, philosophers, and shamen. There is dance with Nora Chimpaumire and Lucinda Childs (whose choreography has a set by architect Frank Gehry). The reputation of hip-hop choreographer Kyle Abraham goes before him and the performances of Pavement , based on Boyz'n the Hood are selling out fast (11-15 October at Théâtre des Abbesses ). Kyle Abraham/Abraham.In.Motion: PAVEMENT PROMOTIONAL VIDEO Created by Dancing Camera from Kyle Abraham/Abraham.in.motion on Vimeo . You can't have a New York season without jazz , represented by Aturo O'Farrill and Ethan Lipton. Charlotte Rampling will recite poems by Frederick Seidel , who has lived in both Paris and New York, and who the U.S. Poetry Foundation describes as a mid-Atlantic poet. On Sunday 9th the Théâtre de la Ville will host a screening of a new documentary by hard-hitting filmmaker Charles Ferguson, followed by a Q&A session with Ferguson. Entitled Time to Choose , it is a stark look at the destruction of our environment and those who stand to gain the most from it. Théâtre de la Ville Till 16 October

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The Leprechauns and the Crock of Gold
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Sélection culturelle

The Leprechauns and the Crock of Gold

Multi-national, multi-lingual theatre company Footsbarn will be playing a few dates of their new show Crock of Gold in the Allier and Paris before setting off for a summer tour of Ireland.

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La méthode Boclet, un outil au pays des soft skills
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La méthode Boclet, un outil au pays des soft skills

Par Antony Soron , Maître de conférences HDR, formateur agrégé de lettres, INSPE Paris Sorbonne-Université. Deux ouvrages de Mohamed Boclet, champion du monde de lecture rapide, paraissent à la rentrée : une édition poche de Connaissance illimitée (Pocket), et un guide plus pratique, sorte de mise en application du précédent, La méthode Boclet – Le programme de 4 semaines pour passer à l’action (Robert Laffont). Dans quelle mesure ces livres de développement personnel peuvent-ils être utiles aux enseignants qui souhaiteraient rétablir la confiance en berne de leurs élèves ? Ils présentent en tout cas l’avantage de mettre en lumière des compétences dites « comportementales », ce « savoir-être » qui entre avec peine dans les cursus scolaires.       Origine et présentation Quelques lignes liminaires suffisent à poser l’ethos de celui qui s’exprime ici. Quelques lignes essentielles pour mesurer l’authenticité et les enjeux du propos développé ensuite : « Je n’en reviens toujours pas. Moi, petit garçon dyslexique et diabétique à qui on prédisait l’échec, voilà que je deviens vice-champion du monde de lecture rapide en 2021, renouvelle mon titre en 2023, publie un best-seller la même année et m’épanouis au quotidien en animant des formations auprès d’un public de plus en plus large. Chaque jour, je me demande comment le rêve a pu devenir réalité. Comment le jeune Mohamed que j’étais a pu céder sa place à l’homme que je suis devenu. » (La Méthode Boclet) Défendant d’emblée le terme de « connaissance », socle de son propre développement personnel et de sa réussite, l’auteur propose à ses lecteurs une méthode dont la visée programmatique consiste rien de moins qu’à tout bouleverser dans son propre rapport à soi même en juste vingt-huit jours ! La « méthode » s’inscrit ainsi dans la continuité du précédent ouvrage de Mohamed Boclet à la veine autobiographique, Connaissance illimitée , publié en 2023, disponible aux éditions Pocket en septembre 2024. Ce petit livre clair, narratif, tresse trois fils : un récit autobiographique, des données empruntées à la recherche, et des conseils pratiques pour une mise en application rapide. La méthode Boclet : fondée et intuitive La plupart des philosophies comportementales disent peu ou prou la même chose. Il s’agit, pour se sentir mieux, de se raccorder à soi-même, autrement dit, pour reprendre le terme retenu par l’auteur, de devenir quelqu’un de « congruent ». Il ne s’agit pas d’ailleurs d’un concept inédit, comme le confirme un article en ligne daté de 2013 . Le bon sens de la méthode repose sur l’idée, il est vrai trop oubliée, que les paroles s’envolent alors que les écrits restent, autrement dit, que ce n’est pas tout de se donner des objectifs, les noter noir sur blanc dans un carnet de bord renforce l’autodétermination. Un peu plus loin, apparaît l’expression « croyances limitantes ». Elle consiste à rappeler que chacun est freiné voire empêché par le fait même qu’il se pense « limité » dans son action et son développement, comme le souligne déjà un article de psychologie du comportement daté de 2022 : « La mise au jour de vos croyances limitantes est une étape incontournable sur la voie du développement personnel. D’une certaine manière, les pensées d’un individu sont son premier ennemi, et s’affranchir de ses obstacles internes est un moyen de retrouver une liberté d’action qui peut décupler son potentiel. Les croyances limitantes sont souvent inconscientes. Leur mise au jour se justifie d’autant plus que vous vous êtes fixé un objectif que vous ne parvenez pas à atteindre. Il peut bien sûr y avoir un problème de compétence (vous ne savez pas faire) mais aussi de manière plus sournoise votre “petite voix” qui vous bride. 1 ». La « méthode Boclet » pourrait ainsi être caractérisée comme une succession d’injonctions à agir, à repousser ses limites, du type « Placez-vous au centre de votre vie » ou « Forcez-vous », « Changez », mais elle présente l’intérêt considérable de fournir des outils pour y parvenir. Dans les deux ouvrages, on trouve un véritable programme dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il pourrait aider des lycéens à progresser, et mieux encore à lutter contre la passivité et le découragement. Et en classe ? Se connaître, reconnaître « son » intelligence Si on peut regretter que la théorie des « intelligences » ne soit pas rattachée à des articles pionniers sur le sujet (Howard Gardner a pensé les « intelligences multiples » dès 1983), on conviendra, à titre d’exemple, que les développements, dans les deux volumes, demeurent d’un grand intérêt synthétique pour des enseignants qui souhaitent véritablement adopter une logique de différenciation avec leurs élèves. Il nous semble même que travailler avec des élèves à définir leur « intelligence » spécifique leur serait très profitable en vue d’une meilleure prise de conscience d’eux-mêmes. Aussi, en début d’année, une situation expérimentale autour des « 9 intelligences » viendrait à propos pour aider les élèves à trouver leur meilleure manière de travailler. En classe, l’enseignant pourra mettre en place des activités s’appuyant sur l’intelligence interpersonnelle : « Elle fait appel à l’interaction et s’exprime chez les personnes qui apprennent plus aisément avec les autres, dans l’échange. Elle se développe auprès des autres, via le travail en équipe. ». Des exercices pratiques À côté de quelques évidences, certes toujours bonnes à rappeler, boire, bouger etc., les ouvrages offrent une véritable valeur ajoutée en assumant pleinement leur fonction de vulgarisation. Ce qui est le cas notamment quand l’auteur fait référence à tout ce qui concerne sa spécialité, « la lecture rapide ». Ce chapitre, dans les deux livres, est le dernier : il y a une raison à cela, puisque améliorer son rythme de lecture suppose une familiarité avec un grand nombre de compétences et de techniques vues dans les pages qui précèdent. Ici, on entre vraiment dans une expérience pratique et guidée, donc facilement reproductible avec des élèves. L’auteur fournit en outre une mine d’idées très opérationnelles. L’insistance sur la prélecture de l’ouvrage que l’on s’apprête à lire apparaît ainsi comme une évidence à réinvestir. Dans le même esprit, la méthode dite « Pomodoro » reste exemplaire : « La méthode Pomodoro est une technique de gestion du temps, que l’on doit à l’entrepreneur Francesco Cirillo. Elle se nomme Pomodoro (“tomate”, en italien) en référence au célèbre minuteur de cuisine en forme de tomate. Mise en lumière à la fin des années 1980, elle consiste à travailler par sessions de 25 minutes. » Au lieu de se focaliser sur la quantité ou la qualité de ce qui est appris ou fait, la « réussite » vient du temps qu’on a su passer sur une tâche donnée, en respectant toutes les étapes. Force est de reconnaître à la méthode Boclet d’être accessible au plus grand nombre et de proposer des approches synthétiques susceptibles sans aucun doute d’améliorer les performances scolaires : la concentration, la mémorisation, la prise de parole, et bien sûr la lecture rapide. Pour un professeur souhaitant réinvestir la question des conditions de l’apprentissage, elle a le grand mérite d’aller à l’essentiel en donnant des pistes opérationnelles de façon synthétique et concrète. On lui tiendra tout juste à grief de ne pas toujours être assez explicite sur ses sources d’inspiration, sachant que, du point de vue même de la philosophie comportementale, et même de son éthique, revenir aux sources reste la plus sûre garantie d’épanouissement personnel ! A contrario , on saura gré à la méthode éponyme d’avoir su susciter notre curiosité, en nous faisant notamment découvrir, par le biais de recherches complémentaires, Evelyn Nielsen Wood (1909-1995), éducatrice et femme d’affaires étatsunienne, célèbre (et aussi controversée) pour avoir popularisé la lecture rapide dont Mohamed Boclet est devenu le champion. Apprendre à travailler   Connaissance illimitée peut servir de point d’appui pour des enseignants désireux d’aider davantage leurs élèves à trouver des solutions face à des apprentissages qui s’intensifient au lycée. Pour les élèves, ce peut être aussi une aide pour gagner en efficacité et en autonomie, dans la perspective de suivre des études supérieures. En suivant les différents chapitres du livre, l’enseignant.e peut envisager des moments en classe, réguliers et courts (si on applique bien les conseils donnés !), chacun centré sur un des aspects de la méthode : un jour l’utilisation des rythmes circadiens, un autre la concentration, un troisième les techniques de mémorisation, un quatrième les cartes mentales, chaque fois en associant des connaissances théoriques et une application pratique, en nombre dans le livre. Un QR code, par exemple, guide vers des exercices pour stimuler la mémoire. Autre exemple : pour ce qui concerne la question du meilleur moment pour apprendre, Mohamed Boclet ne s’en tient pas à l’intuition qu’il est souhaitable d’apprendre avant de s’endormir. Il se fonde sur la biologie, pour finalement prodiguer des conseils qui vont bien au-delà du simple fait de réviser ses leçons avant de se coucher : il est aussi question de faire des pauses régulières, et, plus étonnant, de travailler sa « cohérence cardiaque », une méthode d’autoapaisement . La méthode Boclet, elle, a clairement des vertus pratiques, s’intéressant aux plannings, évoquant les raisons du stress, apprenant à repenser l’idée de « deadline »… Elle s’applique à poser des éléments structurants en termes méthodologiques. Il s’agit par conséquent d’un ouvrage à mettre dans toutes les mains. Il pourrait être notamment exploité par les lycéens avec d’autant plus de facilité que le texte est clair, non-jargonnant, prêt à l’emploi et stimulant. On peut proposer des formules, sous la forme d’encadrés, comme celui qui suit, pouvant permettre d’engager avec des élèves une corrélation compréhension/application. Moins directement explicatif que l’ouvrage précédent, sa présentation permet de suivre un programme pour installer une hygiène de vie et devenir plus efficace. L’objectif est d’aménager des plages de temps pour accroitre son accès à la connaissance, puisque c’est de cela qu’il s’agit. «“Que l’on me donne 6 heures pour couper un arbre, j’en passerai 4 à préparer ma hache.” Cette citation d’Abraham Lincoln a été un déclic pour moi. Apprenez-la, notez-la, ne l’oubliez pas, elle vous aidera à intégrer la notion d’investissement dans la perte. » Les deux ouvrages, chacun à leur manière, apparaissent très intéressant dans la mesure où ils pointent l’attention du lecteur/professeur sur, sinon un angle mort de sa pratique pédagogique, au moins un point de vigilance accrue, à savoir la nécessité d’apprendre à apprendre, autrement dit sur les conditions de l’apprentissage et ses déclinaisons, jusqu’à la proposition de nouvelles façons de prendre des notes. 1. Laurent Lagarde (dir.), « Outil 34. Les croyances limitantes (PNL) », dans : La boîte à outils du développement personnel, Paris, Dunod, « BàO La Boîte à Outils », 2022, p. 90-91.

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La science-fiction jeunesse : des écrivains qui rêvent et qui osent - Entretien
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La science-fiction jeunesse : des écrivains qui rêvent et qui osent - Entretien

Paroles recueillies par Natacha Vas-Deyres Pierre Bordage, Christian Grenier, Danielle Martinigol et Joëlle Wintrebert, tous quatre romanciers, nous livrent quelques secrets de fabrication d’une science-fiction destinée à un jeune lectorat. Pourquoi, en tant qu’écrivain de science-fiction – entre autres –, avez-vous choisi d’écrire pour un jeune public ? Christian Grenier : Si j’ai choisi, en 1968, d’écrire de la science-fiction, Barjavel et les missions Apollo y étaient pour beaucoup. Depuis l’adolescence et le lancement du premier Spoutnik (1957), j’étais passionné par l’astronomie et je suivais les progrès de la conquête spatiale. À la suite du chagrin de mon épouse qui venait d’achever, en pleurs, la lecture de La Nuit des temps, j’ai décidé d’écrire spécialement pour elle « un roman de science-fiction qui se terminerait bien » . Seule destinataire de ce récit, elle m’a encouragé à le publier. C’est Tatiana Rageot, qui avait alors 70 ans, qui l’a édité, et à ma grande surprise, je suis devenu un « écrivain de science-fiction » pour les garçons de 14-15 ans. Danielle Martinigol : L’écriture est un processus d’imitation. On lit, on aime, on imite, on écrit. Je parle là d’enthousiasme, d’admiration, d’amour pour un genre et des auteurs qui génèrent l’envie d’en faire autant. J’ai découvert la science-fiction à onze ans avec les romans de la collection « Anticipation » que lisait mon grand-père. Devenue professeur de lettres, j’ai cherché des romans adaptés pour faire découvrir le genre à mes élèves. J’en ai trouvé d’excellents, mais peu. Le besoin d’imitation s’est alors installé, lentement… J’ai mis cinq ans pour écrire L’Or bleu . Pierre Bordage : Je ne l’ai pas vraiment choisi. Alain Grousset, directeur de la collection « Ukronie » chez Flammarion, me l’a proposé. Résultat, j’ai écrit trois romans : Ceux qui sauront, Ceux qui rêvent et Ceux qui osent. Auparavant, j’avais adapté le fi lm d’animation Kaena, la prophétie , pour lequel j’avais été scénariste au tout début. Joëlle Wintrebert : Je n’ai pas non plus vraiment choisi d’écrire pour un jeune public, j’étais même plutôt réticente. Casterman, l’éditeur de la collection « L’Ami de poche », m’a sollicitée avec insistance en m’assurant que l’écriture à destination d’adolescents n’était pas différente de l’écriture pour adultes, à l’exclusion du sexe et de la violence. Ainsi est né Nunatak , devenu Les Gladiateurs de Thulé chez Flammarion. Écrit-on différemment pour les jeunes et pour les adultes ? Christian Grenier : Disons, pour simplifier, que le jeune public est plus sensible au suspense ; il faut que le récit avance, qu’il y ait une dynamique, un élan. Du côté des thèmes, la plupart des ouvrages jeunesse parlent du monde contemporain et des passions des jeunes : le cinéma, la musique, l’informatique, les nouvelles technologies… Mais rien n’est figé. Destiné à l’origine aux adultes, Niourk de Stefan Wul n’a connu un vrai et durable succès qu’en « Folio SF ». Michel Tournier, mais peut-être par coquetterie, a longtemps affirmé que son Vendredi ou la vie sauvage était meilleur que l’original, Vendredi ou les limbes du Pacifique. Danielle Martinigol : Je me sens à l’aise en m’adressant au public que j’ai côtoyé pendant ma carrière professionnelle. Je sais ce qu’ils attendent d’un livre : ne pas être trop long ni trop difficile et les faire rêver. J’aime distiller dans mes récits de l’action, des rebondissements, des dialogues et des descriptions : « Aventure, Amour, Ailleurs », c’est ma règle des Trois A. L’écriture pour adultes fait la part belle à la psychologie des personnages, aux fondements sociaux, ceci en cinq cents pages minimum. J’avoue avoir du mal avec ça, mais j’ai des textes pour adultes dans mes ordinateurs. Pierre Bordage : Pour moi, la manière est identique. Ça n’infléchit pas l’écriture, mais me contraint à être un peu moins explicite pour certaines scènes – sexe et violence principalement. Il y a comme une ligne à ne pas franchir. Je garde à l’esprit qu’à l’autre bout de mes mots, le lectorat est âgé de 12 à 17 ans – et plus : je me suis Rendu compte qu’un bon nombre d’adultes lisaient mes livres publiés en jeunesse. Joëlle Wintrebert : Mes livres pour la jeunesse sont presque toujours plus optimistes que mes livres pour les adultes. Et, dans l’ensemble, leur construction est moins complexe. Il faut réussir à trouver le rythme, la poésie, un contenu ambitieux avec une construction et des mots plus simples. Pourquoi, d’après vous, la science-fiction se prête-t-elle bien au format de la littérature jeunesse ? Joëlle Wintrebert : Développer une grande idée de science-fiction pour les plus jeunes n’a rien de facile, mais la littérature jeunesse permet d’aborder tous les genres. Pourtant, j’ai cessé d’en écrire il y a une quinzaine d’années parce que les éditeurs confrontaient de plus en plus les auteurs à un formatage insupportable, dans les maisons les plus réputées. C’est plus simple quand on écrit pour les adolescents ou pour la catégorie « young adults ». Christian Grenier : La science-fiction touche le jeune public – cette conviction, j’essayais déjà de la faire partager dans mon premier essai, Jeunesse et science-fiction, en 1971 ! Une fois l’hypothèse de départ posée, les univers doivent être sinon vraisemblables, du moins cohérents, ce qui n’est pas le cas des deux autres genres des littératures de l’imaginaire : le merveilleux et le fantastique. Et puis la science-fiction se projette souvent dans l’avenir – et les jeunes, de gré ou de force, sont concernés ! – elle propose aussi une réflexion sur le rôle de l’homme face aux machines qu’il crée, aux lois qu’il change, aux êtres qu’il rencontre, aux univers qu’il visite. Danielle Martinigol : Je me sers de la science-fiction comme d’une loupe. Je grossis des problèmes d’aujourd’hui en les projetant dans le futur. La littérature jeunesse se prête bien à cet exercice. Bien délimiter son objectif et l’atteindre sans se perdre en longueurs est garant de succès. Pierre Bordage : Par son pouvoir de dépaysement et de réflexion, la science-fiction est une littérature idéale pour un jeune public. Elle est d’ailleurs idéale pour tout public dans un monde où la science progresse à une allure vertigineuse alors que la conscience, à mon avis, ne suit pas le rythme. J’ajoute que la littérature des marges a une vigueur réjouissante, et je ne suis pas pressé qu’elle soit récupérée par la culture académique. Il y souffle un vent de fraîcheur très agréable, là où, dans la littérature adulte, on respire parfois les exhalaisons poussiéreuses des gardiens des temples. La science-fiction fait-elle réfléchir les jeunes lecteurs aux choix qu’ils devront faire pour le futur, en termes d’écologie par exemple ? Christian Grenier : Gérard Klein affirme que l’important, dans un roman de science-fiction, c’est son hypothèse philosophique. Hélas ! la science-fiction privilégie presque toujours les impasses : les dystopies évoquent les voies qu’il faut éviter, les catastrophes qui attendent l’humanité si elle persiste dans des choix désastreux... L’important, ce ne sont pas les réponses que la science-fiction pourrait apporter mais les questions qu’elle livre aux lecteurs. Souvent, je conclus mes conférences sur la science-fiction par le poème de Peter Handke qui sert de leitmotiv au film de Wim Wenders, Les Ailes du désir : « Quand l’enfant était un enfant, c’est l’époque où il se posait les questions suivantes : / Pourquoi suis-je moi ; et pourquoi pas toi ? / Pourquoi suis-je ici, et pourquoi pas là-bas ? » Danielle Martinigol : Le dépaysement des futurs qu’off re la science-fiction, même dans ses aspects les plus dystopiques, renvoie l’adolescent à son présent, mais aussi à son avenir de citoyen. Mes romans traitent de la gestion de l’eau, des déchets, de la déforestation, du pouvoir des médias… dit comme cela, ce n’est guère distractif ! Et pourtant, ça marche. Car la science-fiction est foncièrement optimiste. Elle tire des sonnettes d’alarme en étant convaincue qu’en réagissant à temps, nous éviterons des catastrophes. Le futur se construit sur le présent. Et aussi le passé… En jouant avec le voyage dans le temps dans ma série « Aventures à Guédelon », je souhaite faire prendre conscience à mes jeunes lecteurs que chacun d’eux est un maillon indispensable dans l’Histoire. Pierre Bordage : La science-fiction marie dépaysement et réflexion en y ajoutant une dimension philosophique et mythologique. Par le procédé du saut dans l’espace-temps, elle propose un espace de réflexion là où la science, otage des intérêts économiques, ne prend pas le temps d’examiner les conséquences possibles de ses découvertes. Joëlle Wintrebert : Même divertissante, comme la série des Star Wars, la science-fiction oblige son lecteur ou son spectateur à se représenter et à penser le monde. Un grand nombre des œuvres majeures de la science-fiction sont conçues comme des apologues. On ne peut d’ailleurs s’empêcher d’imaginer que, si Voltaire avait vécu au XX e ou au XXI e siècle, il aurait exploré les voies de la science-fiction. Il est certain, en tout cas, qu’en acceptant d’écrire pour la jeunesse, j’avais une intention : changer l’image des femmes dans l’esprit des jeunes lecteurs en les montrant actrices de leur destin et non ballottées mollement dans un univers géré par le masculin. Cette volonté apparaît de façon évidente depuis mon premier roman jeunesse jusqu’à Pollen. LES AUTEURS • Pierre Bordage rencontre le succès avec sa trilogie Les Guerriers du silence . Il vient de publier Résonances (éditions J’ai lu Nouveaux Millénaires) et Les Dames blanches (L’Atalante). • Christian Grenier reçoit en 1973 le prix de l’ORTF pour La Machination (Livre de Poche). Il écrit ensuite des romans jeunesse pour d’autres éditeurs (G. P., Nathan, Rageot). Son dernier ouvrage, 2115 Terre en péril (Tertium éditions), est un roman apocalyptique. • Danielle Martinigol, auteur d’une quarantaine de romans dont les Abîmes d’Autremer, L’Or bleu, L’Enfant-mémoire (Livre de Poche Jeunesse), vient de publier Les Pierres qui pleurent , premier tome de la série « Aventures à Guédelon » aux éditions Actusf. • Joëlle Wintrebert, auteur de nouvelles et de romans, est aussi traductrice (elle traduit Black-out de Connie Willis en 2011). Son roman Pollen (2003) sera prochainement réédité au Diable Vauvert.

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La collection ABC : 60 ans d’innovation aux côtés des lycéens !

La collection ABC : 60 ans d’innovation aux côtés des lycéens !

Depuis 60 ans, le baccalauréat a beaucoup changé  : 5 bacs, 106 692 candidats et 62,1 % de réussite en 1962 contre plus de 140 duos de spécialités, 381 221 candidats au bac général et 91,5 % de réussite en 2022. Depuis 1962, les ABC des Éditions Nathan ont constamment évolué au fil des réformes. « Les ABC du bac se sont adaptés à toutes les générations de lycéens , souligne Séverine Merviel, directrice marketing et développement chez Nathan. Aujourd’hui, avec toutes les spécialités possibles, les lycéens sont plus que jamais à la recherche d’un outil pour réviser et préparer le bac. » Une collection enrichie en permanence sur le fond et sur la forme depuis 1962 Dès les années 1970, la collection compte déjà 18 titres de Bac… La composition philosophique, algèbre, la dissertation économique, la comptabilité, le problème physique, les art. mais aussi des ABC du BEPC (ancêtre du Brevet). Dans les années 1980, de nouveaux titres sont édités en Seconde et Première pour accompagner les élèves pendant toutes leurs années lycée !  Dans les années 1990, le logo change mais la révolution est ailleurs : le cahier à spirale spécifique de la collection est abandonné . Nathan observe et s’adapte aux usages des élèves ! Passage à l’an 2000, passage à quatre couleurs ! De belles photos et des schémas efficaces débarquent dans les ABC. Nathan lance le premier site web de révisions bacenligne.com. Dans les années 2010, deux collections distinctes sont créées : « Réussite » pour des révisions complètes et « Excellence » pour des révisions intensives. Nathan innove et s’adapte aux différents profils des lycéens et à leurs méthodes de travail : des ouvrages sur-mesure pour répondre aux besoins d’un plus grand nombre d’élèves !  Cette distinction est encore aujourd’hui une des forces de la collection. En 2022, la collection ABC évolue pour proposer des contenus adaptés aux élèves d'aujourd'hui,   baignant dans le visuel (vidéos YouTube, Tiktok, Instagram…). Les titres intègrent des vidéos pour réviser, des cartes mentales pour mieux retenir, des QCM pour se tester, plus de visuels, des contenus toujours plus lisibles… 25 auteurs mettent à jour en permanence les 58 titres de révisions pour le Brevet et le Bac. « Adapter nos ouvrages au plus près des besoins des lycéens, c’est un travail de tous les instants avec un objectif constant : le bac en confiance , explique Séverine Merviel, directrice marketing et développement chez Nathan. Sur la forme, le style évolue avec par exemple de plus en plus de graphiques et de visuels. Nous proposons aussi des outils numériques et des vidéos... Mais sur le fond, les ABC continuent d'être le b.a.-ba d’un bac réussi, avec des titres adaptés aux objectifs de chaque élève, de la seconde à la terminale. » Les nouveaux ABC : à chaque élève ses objectifs  Pour la session de juin 2023, Nathan lance 7 nouveautés en Première, 9 nouveautés en Terminale et même 7 nouveautés pour le Brevet ! Rédigés par des enseignants, les contenus sont conformes aux programmes du Brevet et du Bac et permettent aux élèves d'appronfondir leurs connaissances et de s'entraîner à la maison. Chaque lycéen peut choisir l’ouvrage qui lui correspond le mieux, en fonction de ses objectifs : aller à l’essentiel ou bien réviser intensément, besoin de révisions complètes ou synthétiques.  Tous les ouvrages sont complétés par un cahier spécial Bac et des vidéos.  Découvrir toute la collection Et c’est évidemment sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram et Twitter) que l’anniversaire des ABC des Éditions Nathan est célébré jusqu’aux vacances scolaires de la Toussaint avec des jeux et de multiples surprises en partenariat avec les influenceurs Valeriandh et Matteo Rivellini qui vont nous faire revivre nos années Bac !   Découvrez également l'article humoristique de TOPITO sur le Bac, aux couleurs d'ABC !

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Rencontre avec les enseignants-auteurs en géographie

Rencontre avec les enseignants-auteurs en géographie

« Déjà petit, je faisais la classe à mes peluches. » Thomas Choquet , 34 ans, 11 ans de carrière, Lycée Albert Châtelet à St-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais) Auteur chez Nathan depuis quand ? Première fois cette année. Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? Participer à la construction de nouveaux manuels en un espace de temps réduit est un vrai défi. La recherche de documents récents, originaux, et la construction d’activités destinées aux élèves de toute la France est vraiment une expérience passionnante. Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Ce qui est le plus difficile, et surtout le plus frustrant, est de devoir se limiter à quelques documents par page  :  il faut sélectionner les supports les plus pertinents, n’en garder que quatre ou cinq au final, et les choix sont parfois très difficiles. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Ce qui est plaisant dans la rédaction des manuels, c’est le travail en équipe : chacun apporte sa pierre à la production finale, tout est soumis au débat, les tâches sont bien réparties entre auteurs et on garde une grande liberté dans les propositions que l’on peut faire lors des réunions. On peut même réinvestir des activités que nous avons déjà testées dans nos propres cours. Enseignant, une vocation ? J’ai toujours voulu être enseignant. Déjà petit, je faisais la classe à mes peluches, j’avais même installé un tableau à craies dans ma chambre, et honnêtement aujourd’hui, je ne vois pas quel autre métier je pourrais exercer… Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer des activités novatrices sur des supports originaux. « Proposer un outil réellement adapté à la réalité de nos classes ! » Heinrich Jannot , 39 ans, 15 ans d'enseignement, Lycée Etienne Bézout à Nemours (77) Auteur chez Nathan depuis quand ? Depuis 2008 pour le scolaire. Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? En tant qu'élève, étudiant ou professeur, j'ai toujours eu beaucoup de plaisir à feuilleter et à utiliser les manuels scolaires. Il était donc fort tentant de passer « de l'autre côté de la page » ! Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Travailler en équipe est ce qui me plaît le plus aujourd'hui et c'est ce qui était le plus difficile pour moi en commençant à rédiger des manuels. Il est parfois difficile d'abandonner un point de vue personnel sur le choix d'un document ou sur l'organisation d'une double page. Je suis davantage « maître à bord » au lycée ! Mais j'apprécie de plus en plus la confrontation d'expériences, de regards, permise par le travail avec des professionnels du livre et avec des collègues de lycées différents, enseignant dans des classes de collège jusqu'aux classes préparatoires. Ce regard élargi est un moyen pour moi de renouveler mon approche des cours. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Est-ce que la réalité correspond à ce que vous aviez imaginé ? J'ai été surpris par le temps nécessaire à la réalisation d'un ouvrage, qu'il s'agisse du temps de travail personnel ou du temps pris par les différentes étapes de production d'un livre, de la proposition des premiers manuscrits jusqu'à l'impression. Ça a été, pour moi, la découverte d'un processus qui restait assez mystérieux. Une anecdote à partager ? Je ne sais pas si je dois être ravi de la réaction fréquente de mes élèves qui semblent prendre mes cours plus au sérieux quand ils découvrent mon nom au début du manuel ! Ils sont souvent surpris qu'un professeur puisse également être un auteur. Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer un outil réellement adapté à la réalité de nos classes ! « La différence de niveau d’enseignement nourrit tous mes enseignements. » Christophe Leon , 25 années d’enseignement, agrégé de Géographie au Collège Max Bramerie – La Force et au Département de Géographie – UFR STC – Université Bordeaux Montaigne à Pessac (33) Auteur chez Nathan depuis quand ? C’est la première année. Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? Partager et réfléchir à l’enseignement de la Géographie et de l’Histoire dans tous les niveaux d’enseignement. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Ce qui me plaît le plus sont le travail en équipe, la confrontation des idées et le partage, et le passage du savoir scientifique au savoir enseigné. Le plus difficile est de trouver le ou les documents originaux permettant d’aborder différemment des sujets souvent abordés. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Est-ce que la réalité correspond à ce que vous aviez imaginé ? La réalité dépasse ce que j’avais examiné puisqu’il y a tout un aspect organisationnel et rédactionnel contraint qui exige la plus grande rigueur. Une anecdote à partager ? Le plus beau souvenir est d’avoir fait le même jour la même leçon de cartographie, en l’ayant adapté, le matin avec des 6 e et l’après-midi avec des 1 re années et des agrégatifs. L’année suivante, sur une même semaine, avoir fait un TD de cartographie en CE2-CM1, en 2 de et en prépa CAPES. La différence de niveau d’enseignement nourrit tous mes enseignements. Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer des documents inattendus pour introduire des notions et des concepts, pour susciter des interrogations des élèves. « Il est nécessaire de bien appréhender la philosophie générale adoptée par les éditeurs et les auteurs, tant sur le fond que sur la forme. » Antoine Mariani , 49 ans – 25 années d’enseignement, Lycée Fénelon à Paris Auteur chez Nathan depuis quand ? Depuis 2017-2018  Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? Pour participer à un travail d’équipe tout en approfondissant ma propre approche scientifique et surtout pédagogique. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? Qu’est-ce qui est le plus difficile ? La recherche des documents (articles, photographies, dessins…) les plus pertinents, efficaces et récents est certainement l’activité la plus réjouissante. Les échanges avec les autres auteurs et les éditeurs sont aussi particulièrement stimulants et enrichissants. La concision (contrainte liée à la maquette, à la pagination pourtant compréhensible) est sans aucun doute la difficulté la plus importante à prendre en compte. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Est-ce que la réalité correspond à ce que vous aviez imaginé ? Malgré l’avertissement bienveillant de mon ancien professeur de géographie en classes préparatoires aux grandes écoles qui était auteur et co-directrice de collection, jamais je n’avais imaginé le temps considérable passé, collectivement et individuellement, à concevoir et rédiger (sans hésiter à reprendre sans cesse le manuscrit) un manuel scolaire. Depuis, j’ai un tout autre regard sur ces ouvrages et beaucoup de respect pour les équipes qui les élaborent. Cette réalité doit absolument être prise en compte au moment du choix effectué par nos collègues lors de la parution de nouvelles éditions. Il est nécessaire de bien appréhender la philosophie générale adoptée par les éditeurs et les auteurs, tant sur le fond que sur la forme. Une anecdote à partager ? Le plus grand plaisir est de retrouver, quelques années plus tard, d’anciens élèves ou étudiants, et de constater le chemin parcouru et les progrès effectués. Une des plus grandes satisfactions a été d’assister, lors du Festival International de Saint-Dié-des-Vosges, à deux conférences données par une ancienne étudiante sur les villes australiennes. Quelle joie de constater que l’élève avait dépassé le maître ! N’est-ce pas l’ambition que nous avons pour ceux dont nous avons la responsabilité à un moment de leur scolarité ou de leurs études ? Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Réussir à réaliser un manuel appréhendé de manière aussi évidente qu’agréable, tant par nos collègues que par leurs élèves. « Ma plus grande satisfaction : avoir transmis cette passion à mes élèves. » Viviane Bories , enseignante depuis 30 ans, Académie de Montpellier –  Lycée Auteur chez Nathan depuis quand ? 1999 ou 2000 Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? Transmettre des savoirs d’une autre façon, contribuer à créer des outils qui répondent à mes attentes d’enseignante. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? Qu’est-ce qui est le plus difficile ? Ce qui me plaît : la créativité, le travail en équipe, l’exercice intellectuel. Le plus difficile : dans les premières années, le rythme de travail, imposé par un calendrier souvent serré, les contraintes éditoriales. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Bien qu’aguerrie à l’exercice, je suis toujours surprise par la quantité de travail à fournir et le nombre d’heures passées à faire des recherches, écrire et réécrire, relire et corriger maintes fois pour que le rendu final soit accessible pour les élèves, attrayant et scientifiquement irréprochable. Pourquoi avoir choisi le métier d’enseignant ? La géographie, une passion ; l’enseignement, une vocation révélée par ma prof d’histoire-géo de 6 e : s’interroger sur le monde, donner l’envie de le découvrir et de le comprendre. Ma plus grande satisfaction : avoir transmis cette passion à mes élèves dont plusieurs sont devenus géographes et/ou enseignants. Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer des documents originaux, qui interpellent. « Montrer le champ des possibles de la géographie » Cécile Gnahore-Barata , 45 ans – 21 ans en tant qu’enseignante (dont 13 en ZEP : collège, lycée puis prépa de proximité) - Lycée Lakanal à Sceaux (92) Auteur chez Nathan depuis quand ? Nouvelle dans l’équipe Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? Pour le goût pour les pratiques pédagogiques, mais aussi par souhait de rester connectée au secondaire pour garder un œil sur les acquis des étudiants qui me sont confiés. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? La fertilité du travail en équipe entre auteurs et éditeurs. Qu’est-ce qui est le plus difficile ?  Les délais à tenir quand on a déjà une charge de travail importante avec nos classes. Pourquoi avoir choisi le métier d’enseignant ? Pour l’envie de transmettre. Votre plus beau souvenir en rapport avec l’enseignement ? Un élève de 3 e d’insertion assez réfractaire venant me dire à la fin d’une séquence sur la Première Guerre mondiale : « C’était trop bien la guerre, on pourra la refaire ? » puis quittant la classe avec un sourire que je ne lui connaissais pas après avoir obtenu la promesse d’un « épisode 2 » … Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer des exemples riches et originaux et montrer le champ des possibles de la géographie souvent injustement mal-aimée.   «  Être auteur est enrichissant et gratifiant » Christian Noel , enseignant depuis 20 ans Auteur chez Nathan depuis quand ? Depuis 10 ans. Pourquoi avez-vous eu envie d’être auteur ? C’est un travail enrichissant et gratifiant. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité ? Qu’est-ce qui est le plus difficile ? J’apprécie les échanges avec l’équipe, mais parfois la gestion du temps peut-être difficile, de même que les contraintes en termes de contenus. Qu’est-ce qui vous a surpris dans votre activité d’auteur de manuel ? Est-ce que la réalité correspond à ce que vous aviez imaginé ? J’ai été agréablement surpris par les relations humaines.  Maintenant que vous avez pris connaissance des projets de programme, quel sera votre objectif prioritaire pour la rédaction du futur manuel ? Proposer de beaux documents qui collent aux programmes.  

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Frankenstein at 200
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Frankenstein at 200

"Frankenstein" was published in 1818, written by a very unconventional young woman. Its genesis is as intriguing as its lasting influence.

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Little Women: Big Film
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Sélection culturelle

Little Women: Big Film

Greta Gerwig’s new adaptation of the classic coming-of-age story Little Women retells the story of the novel in parallel with the life of its author, Louisa May Alcott.

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L'éclairage des neurosciences en grammaire
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L'éclairage des neurosciences en grammaire

par Violaine Carry L’illusion d’une grammaire « au service de » Depuis les années 1970 et jusqu’à aujourd’hui, les pédagogies réduisent la grammaire à un outil au seul service de la lecture et de l’écriture. On pourrait se dire que ce décloisonnement est plutôt bienvenu ; il réintroduit du sens dans une étude de la langue qui était vidée de sa substance, embourbée dans son héritage bourgeois et napoléonien. D’où un scénario pédagogique qui reste la référence de nos jours : un temps d’observation de phrases issues de la littérature ou du langage courant, qui débouche, par phénomène de généralisation, sur un temps de cours, puis d’appropriation des règles par des exercices, qui doivent à leur tour aboutir à l’élaboration d’un texte qui exploite ce fait de langue et justifie le cours de grammaire, celui-ci ayant forcément amélioré les compétences rédactionnelles des élèves. Voilà qui est formidable de cohérence pédagogique… mais ne résiste pas à une analyse plus poussée. Tout d’abord, cela suppose une relation de causalité entre métagognition (dans la phase d’observation des faits de langue) et amélioration du geste d’écriture. Il y en a une, bien sûr, mais extrêmement ténue : nombre d’élèves n’attendent pas d’avoir un cours sur la forme emphatique ou la focalisation interne pour les employer dans leurs écrits ; et inversement, comprendre le fonctionnement de la gradation ou de la phrase complexe ne prémunit pas contre les maladresses de construction. En clair, en termes d’efficacité, la métacognition est battue à plate couture par l’usage. Comment l’expliquer ? Procédural vs analytique La lecture et l’écriture ne mobilisent pas tout à fait le même système de pensée que l’étude de la langue. Elles relèvent en effet en grande partie d’un apprentissage procédural, c’est-à dire de l’automatisation d’un certain nombre d’opérations, de procédures. La lecture ne se résume pas au déchiffrement de séquences de lettres, ni l’écriture au geste graphique. Pour lire ou écrire, il faut aussi maîtriser le code qui régit la langue, sa grammaire. Seulement, ce code, on ne l’acquiert pas à l’école ; sans quoi aucun enfant ne pourrait s’exprimer autrement que par de simples mots avant ses premiers cours de grammaire française. La langue, avec son système lexical et grammatical, se transmet d’abord par la parole et l’expérience qu’on en a, et ce depuis notre existence intra-utérine. Les parents et les proches apportent donc les premiers à l’enfant la matière langagière qui lui servira à bâtir sa grammaire. Car le bébé possède un cerveau incroyablement puissant et flexible, qui passe son temps à calculer les statistiques à partir de ses multiples expériences : chaque nouveau contact avec la langue est intégré et comparé avec les précédents, et sert de base à l’élaboration de définitions et de règles, qui seront confirmées ou modulées par les contacts ultérieurs. Ainsi, à force d’entendre le mot « chaise » associé à toute sorte d’objet, le bébé finit par en dégager les traits communs et sémantiser le concept « chaise » ; de la même manière, par superposition d’épisodes (c’est-à-dire d’expériences contextualisées), il comprend que certains mots (par exemple, les verbes transitifs) sont toujours suivis d’autres (les compléments) et acquiert alors, par mimétisme et habitude, les rudiments de la syntaxe de sa langue. Ainsi, pour l’enfant, c’est bien l’usage qui est le maître et plus exactement l’usage auquel il est confronté – plutôt que l’usage « du plus grand nombre » de personnes. Ce fonctionnement, qui est par ailleurs valable chez l’adulte, est résumé sous l’expression « cerveau bayésien » ou « cerveau statisticien » ; Alain Lieury, neuroscientifique spécialiste de l’éducation, évoque, lui, un apprentissage multi-épisodique. Ce phénomène explique les disparités énormes en termes de développement du langage à l’entrée en maternelle : tout dépend du milieu, plus socio professionnel qu’économique d’ailleurs, dans lequel chaque enfant est élevé. Cette grammaire personnelle et plus ou moins riche n’est pas conscientisée ; elle est enregistrée au niveau de la mémoire dite procédurale cognitive, qui permet d’automatiser des figures de pensée, et ainsi les tours syntaxiques propres à une langue. On la voit se manifester quand un élève justifie son emploi de l’imparfait plutôt que du passé simple par un « parce que ça sonne mieux », ou quand, sans identifier une erreur de syntaxe, on a tout de suite perçu que « ça ne se disait pas ». Attention : cette maîtrise de la grammaire est loin d’être intuitive ; elle est le fruit d’une expertise qui nécessite d’engranger des millions et des millions de rencontres avec la langue, à l’oral comme à l’écrit. Ce n’est qu’en entrant à l’école que l’enfant va devoir harmoniser sa grammaire avec la grammaire du français. C’est une manière de s’assurer que les individus font société, à travers le partage d’une même langue. Selon l’environnement extra-scolaire, cette harmonisation sera plus ou moins facile, demandera plus ou moins d’efforts. Et c’est sans compter les situations où l’écart est tellement important que l’élève se trouve tiraillé entre deux usus parfois inconciliables. Que sont alors quelques séances de grammaire face à des milliers d’heures d’immersion dans la langue ? Bien peu de chose. Si le but est d’améliorer les compétences langagières des élèves, mieux vaut les faire lire le plus possible, puis écrire et échanger avec eux en veillant à respecter un niveau de langue courant voire soutenu. Le cours d’étude de la langue, lui, développe d’autres compétences. De l’utilité du cours de grammaire au XXI e siècle Le cours de grammaire a pour objet la langue elle-même. Cette posture métalinguistique est cognitivement très exigeante puisqu’elle demande à l’observateur une flexibilité mentale qui lui permette de faire des allers-retours incessants entre le signifié et le signifiant et ce, à différents niveaux (traditionnellement le mot, la proposition, la phrase complexe, le texte). Cette démarche requiert une méthode rigoureuse et de la patience, comme toute approche scientifique, mais aussi de la créativité pour inventer des outils d’analyse et des concepts, et même une pensée divergente afin de s’affranchir des classements et principes précédents pour en proposer de nouveaux. Extrêmement coûteuse en énergie, cette pensée analytique apporte également de nombreux bénéfices à celui ou celle qui la pratique régulièrement. Tout d’abord, elle permet à l’élève de s’exercer à la métacognition. Même la syntaxe la plus basique, la plus « neutre », révèle un tour de pensée, un réseau de relations particulières entre les éléments de la phrase, ne serait-ce qu’imposée par la grammaire de la langue. Il en résulte qu’étudier le fonctionnement de la langue revient à observer sa propre pensée. Aussi est-il crucial que les élèves n’apprennent pas simplement à reconnaître un COD, mais qu’ils comprennent ce qu’est un COD et quelle relation il entretient avec le verbe et le sujet et ce que cela révèle : ainsi seront-ils peut-être plus sensibles à la vision du monde que traduisent ces situations littéraires, où tel personnage féminin n’apparaît jamais qu’en fonction d’objet, direct ou indirect… Aussi le cours de grammaire me semble-t-il particulièrement pertinent quand il s’appuie sur la comparaison ; comparaisons de tours anciens et modernes, de constructions populaires et soutenues, d’idiomes français et étrangers. Pourquoi s’exprime-t- on ainsi ? Pourquoi l’usage privilégie-t-il telle ou telle formulation ? Qu’est-ce que cela révèle de notre état d’esprit ? de celui de nos voisins ? Et quel effet cela produit-il si on adopte telle construction plutôt que telle autre ? si on bouleverse l’ordre canonique des mots ? Éveiller les élèves sur les possibles de la langue, les leur faire toucher du doigt et s’amuser de ses contraintes, mais aussi leur faire réaliser que la langue est vivante, qu’elle évolue et se renouvelle sans cesse, par son passage dans les campagnes autant que les banlieues et les centre-ville, ses métissages avec d’autres langues plus ou moins lointaines : voilà ce qui pourrait être au cœur du cours de langue. Enfin, cette pratique métacognitive est une école de la rigueur. Des observations émergent des hypothèses qu’il s’agit ensuite d’éprouver – par les textes bien sûr, mais aussi les expériences personnelles des élèves avec le langage. Il faut d’abord s’assurer que les catégories qui permettent de penser la grammaire sont bien assimilés au moyen d’exemples et d’exercices. Mais on ne doit pas éluder les cas-limites, ces situations-problèmes qui donnent l’occasion aux élèves de développer leurs capacités analytiques et critiques. Comme en sciences, un des objectifs est de s’approprier les choses, pour être moins passif face au langage, moins naïf aussi, moins manipulable à ses effets de manche, plus lucide à tous les biais cognitifs qu’il charrie. Un exemple très simple et d’actualité pourrait être, à l’occasion d’un cours sur les accords, de lancer le débat sur l’orthographe inclusive : d’où vient cette demande ? Pourquoi ? La prééminence du masculin sur le féminin vous semble-t-elle un réel instrument de domination masculine ? Qu’en était-il avant ? etc. Plus récemment, on pourrait interroger les élèves sur cet étrange phénomène du changement de genre du – pardon de la – covid… Pour un enseignement de la grammaire comme une matière à part entière On le voit, donc, la grammaire est moins un outil au service de la lecture et de l’écriture – ou bien il brille par son inefficacité – qu’une discipline qui forme les esprits à la raison et à la critique. Aussi, un décloisonnement trop systématique risque de s’avérer contre-productif, car il repose sur une illusion. En revanche, exposer clairement la fonction de la grammaire, la réhabiliter comme matière à part entière, introduction à la métacognition et à la philosophie, pourrait en dépoussiérer l’image figée et réengager les élèves dans sa pratique. Il est urgent de (re)former les professeurs à cette pratique, finalement idéologique (au sens de Condillac), de la grammaire, en premier lieu via l’enseignement de l’histoire de la grammaire, et pas seulement de la grammaire historique. Cela pose également la question de la nomenclature qui doit être justifiée auprès des élèves. On le constate lors des ajustements dans la terminologie. Par exemple, cet été 2020, l’« exclamative » a été exclue des types de phrase, désormais classée dans les « formes » de phrases, au côté des formes affirmative et négative. Cela peut se justifier, puisque le types de phrases s’excluent mutuellement (une phrase ne peut être interrogative et déclarative en même temps) alors que l’exclamation peut se conjuguer à plusieurs types de phrases. Déconstruire des représentations antérieures, comme celle qui faisait de l’exclamation un type de phrase, impose un travail explicatif assez complexe. Il est un signe que la grammaire, en soi, revient sur le devant de la scène : la question de langue à l’oral du bac de français. Si il évolue vers l’expression d’une véritable réflexion sur la langue et non un catalogue stérile des différentes formes de subordonnées ou autres, l’enseignement de la grammaire au lycée, et par répercussion au collège, devrait retrouver tout son sens. NRP - Novembre 2020 Consultez d'autres articles sur les neurosciences Les émotions au service des apprentissages Apprendre en résistant Le silence est d’or : apprendre… par défaut ! Être attentif… ça s’apprend Des mémoires pour mieux apprendre

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par Violaine Carry L’illusion d’une grammaire « au service de » Depuis les années 1970 et jusqu’à aujourd’hui, les pédagogies réduisent la grammaire à un outil au seul service de la lecture et de l’écriture. On pourrait se dire que ce décloisonnement est plutôt bienvenu ; il réintroduit du sens dans une étude de la langue qui était vidée de sa substance, embourbée dans son héritage bourgeois et napoléonien. D’où un scénario pédagogique qui reste la référence de nos jours : un temps d’observation de phrases issues de la littérature ou du langage courant, qui débouche, par phénomène de généralisation, sur un temps de cours, puis d’appropriation des règles par des exercices, qui doivent à leur tour aboutir à l’élaboration d’un texte qui exploite ce fait de langue et justifie le cours de grammaire, celui-ci ayant forcément amélioré les compétences rédactionnelles des élèves. Voilà qui est formidable de cohérence pédagogique… mais ne résiste pas à une analyse plus poussée. Tout d’abord, cela suppose une relation de causalité entre métagognition (dans la phase d’observation des faits de langue) et amélioration du geste d’écriture. Il y en a une, bien sûr, mais extrêmement ténue : nombre d’élèves n’attendent pas d’avoir un cours sur la forme emphatique ou la focalisation interne pour les employer dans leurs écrits ; et inversement, comprendre le fonctionnement de la gradation ou de la phrase complexe ne prémunit pas contre les maladresses de construction. En clair, en termes d’efficacité, la métacognition est battue à plate couture par l’usage. Comment l’expliquer ? Procédural vs analytique La lecture et l’écriture ne mobilisent pas tout à fait le même système de pensée que l’étude de la langue. Elles relèvent en effet en grande partie d’un apprentissage procédural, c’est-à dire de l’automatisation d’un certain nombre d’opérations, de procédures. La lecture ne se résume pas au déchiffrement de séquences de lettres, ni l’écriture au geste graphique. Pour lire ou écrire, il faut aussi maîtriser le code qui régit la langue, sa grammaire. Seulement, ce code, on ne l’acquiert pas à l’école ; sans quoi aucun enfant ne pourrait s’exprimer autrement que par de simples mots avant ses premiers cours de grammaire française. La langue, avec son système lexical et grammatical, se transmet d’abord par la parole et l’expérience qu’on en a, et ce depuis notre existence intra-utérine. Les parents et les proches apportent donc les premiers à l’enfant la matière langagière qui lui servira à bâtir sa grammaire. Car le bébé possède un cerveau incroyablement puissant et flexible, qui passe son temps à calculer les statistiques à partir de ses multiples expériences : chaque nouveau contact avec la langue est intégré et comparé avec les précédents, et sert de base à l’élaboration de définitions et de règles, qui seront confirmées ou modulées par les contacts ultérieurs. Ainsi, à force d’entendre le mot « chaise » associé à toute sorte d’objet, le bébé finit par en dégager les traits communs et sémantiser le concept « chaise » ; de la même manière, par superposition d’épisodes (c’est-à-dire d’expériences contextualisées), il comprend que certains mots (par exemple, les verbes transitifs) sont toujours suivis d’autres (les compléments) et acquiert alors, par mimétisme et habitude, les rudiments de la syntaxe de sa langue. Ainsi, pour l’enfant, c’est bien l’usage qui est le maître et plus exactement l’usage auquel il est confronté – plutôt que l’usage « du plus grand nombre » de personnes. Ce fonctionnement, qui est par ailleurs valable chez l’adulte, est résumé sous l’expression « cerveau bayésien » ou « cerveau statisticien » ; Alain Lieury, neuroscientifique spécialiste de l’éducation, évoque, lui, un apprentissage multi-épisodique. Ce phénomène explique les disparités énormes en termes de développement du langage à l’entrée en maternelle : tout dépend du milieu, plus socio professionnel qu’économique d’ailleurs, dans lequel chaque enfant est élevé. Cette grammaire personnelle et plus ou moins riche n’est pas conscientisée ; elle est enregistrée au niveau de la mémoire dite procédurale cognitive, qui permet d’automatiser des figures de pensée, et ainsi les tours syntaxiques propres à une langue. On la voit se manifester quand un élève justifie son emploi de l’imparfait plutôt que du passé simple par un « parce que ça sonne mieux », ou quand, sans identifier une erreur de syntaxe, on a tout de suite perçu que « ça ne se disait pas ». Attention : cette maîtrise de la grammaire est loin d’être intuitive ; elle est le fruit d’une expertise qui nécessite d’engranger des millions et des millions de rencontres avec la langue, à l’oral comme à l’écrit. Ce n’est qu’en entrant à l’école que l’enfant va devoir harmoniser sa grammaire avec la grammaire du français. C’est une manière de s’assurer que les individus font société, à travers le partage d’une même langue. Selon l’environnement extra-scolaire, cette harmonisation sera plus ou moins facile, demandera plus ou moins d’efforts. Et c’est sans compter les situations où l’écart est tellement important que l’élève se trouve tiraillé entre deux usus parfois inconciliables. Que sont alors quelques séances de grammaire face à des milliers d’heures d’immersion dans la langue ? Bien peu de chose. Si le but est d’améliorer les compétences langagières des élèves, mieux vaut les faire lire le plus possible, puis écrire et échanger avec eux en veillant à respecter un niveau de langue courant voire soutenu. Le cours d’étude de la langue, lui, développe d’autres compétences. De l’utilité du cours de grammaire au XXI e siècle Le cours de grammaire a pour objet la langue elle-même. Cette posture métalinguistique est cognitivement très exigeante puisqu’elle demande à l’observateur une flexibilité mentale qui lui permette de faire des allers-retours incessants entre le signifié et le signifiant et ce, à différents niveaux (traditionnellement le mot, la proposition, la phrase complexe, le texte). Cette démarche requiert une méthode rigoureuse et de la patience, comme toute approche scientifique, mais aussi de la créativité pour inventer des outils d’analyse et des concepts, et même une pensée divergente afin de s’affranchir des classements et principes précédents pour en proposer de nouveaux. Extrêmement coûteuse en énergie, cette pensée analytique apporte également de nombreux bénéfices à celui ou celle qui la pratique régulièrement. Tout d’abord, elle permet à l’élève de s’exercer à la métacognition. Même la syntaxe la plus basique, la plus « neutre », révèle un tour de pensée, un réseau de relations particulières entre les éléments de la phrase, ne serait-ce qu’imposée par la grammaire de la langue. Il en résulte qu’étudier le fonctionnement de la langue revient à observer sa propre pensée. Aussi est-il crucial que les élèves n’apprennent pas simplement à reconnaître un COD, mais qu’ils comprennent ce qu’est un COD et quelle relation il entretient avec le verbe et le sujet et ce que cela révèle : ainsi seront-ils peut-être plus sensibles à la vision du monde que traduisent ces situations littéraires, où tel personnage féminin n’apparaît jamais qu’en fonction d’objet, direct ou indirect… Aussi le cours de grammaire me semble-t-il particulièrement pertinent quand il s’appuie sur la comparaison ; comparaisons de tours anciens et modernes, de constructions populaires et soutenues, d’idiomes français et étrangers. Pourquoi s’exprime-t- on ainsi ? Pourquoi l’usage privilégie-t-il telle ou telle formulation ? Qu’est-ce que cela révèle de notre état d’esprit ? de celui de nos voisins ? Et quel effet cela produit-il si on adopte telle construction plutôt que telle autre ? si on bouleverse l’ordre canonique des mots ? Éveiller les élèves sur les possibles de la langue, les leur faire toucher du doigt et s’amuser de ses contraintes, mais aussi leur faire réaliser que la langue est vivante, qu’elle évolue et se renouvelle sans cesse, par son passage dans les campagnes autant que les banlieues et les centre-ville, ses métissages avec d’autres langues plus ou moins lointaines : voilà ce qui pourrait être au cœur du cours de langue. Enfin, cette pratique métacognitive est une école de la rigueur. Des observations émergent des hypothèses qu’il s’agit ensuite d’éprouver – par les textes bien sûr, mais aussi les expériences personnelles des élèves avec le langage. Il faut d’abord s’assurer que les catégories qui permettent de penser la grammaire sont bien assimilés au moyen d’exemples et d’exercices. Mais on ne doit pas éluder les cas-limites, ces situations-problèmes qui donnent l’occasion aux élèves de développer leurs capacités analytiques et critiques. Comme en sciences, un des objectifs est de s’approprier les choses, pour être moins passif face au langage, moins naïf aussi, moins manipulable à ses effets de manche, plus lucide à tous les biais cognitifs qu’il charrie. Un exemple très simple et d’actualité pourrait être, à l’occasion d’un cours sur les accords, de lancer le débat sur l’orthographe inclusive : d’où vient cette demande ? Pourquoi ? La prééminence du masculin sur le féminin vous semble-t-elle un réel instrument de domination masculine ? Qu’en était-il avant ? etc. Plus récemment, on pourrait interroger les élèves sur cet étrange phénomène du changement de genre du – pardon de la – covid… Pour un enseignement de la grammaire comme une matière à part entière On le voit, donc, la grammaire est moins un outil au service de la lecture et de l’écriture – ou bien il brille par son inefficacité – qu’une discipline qui forme les esprits à la raison et à la critique. Aussi, un décloisonnement trop systématique risque de s’avérer contre-productif, car il repose sur une illusion. En revanche, exposer clairement la fonction de la grammaire, la réhabiliter comme matière à part entière, introduction à la métacognition et à la philosophie, pourrait en dépoussiérer l’image figée et réengager les élèves dans sa pratique. Il est urgent de (re)former les professeurs à cette pratique, finalement idéologique (au sens de Condillac), de la grammaire, en premier lieu via l’enseignement de l’histoire de la grammaire, et pas seulement de la grammaire historique. Cela pose également la question de la nomenclature qui doit être justifiée auprès des élèves. On le constate lors des ajustements dans la terminologie. Par exemple, cet été 2020, l’« exclamative » a été exclue des types de phrase, désormais classée dans les « formes » de phrases, au côté des formes affirmative et négative. Cela peut se justifier, puisque le types de phrases s’excluent mutuellement (une phrase ne peut être interrogative et déclarative en même temps) alors que l’exclamation peut se conjuguer à plusieurs types de phrases. Déconstruire des représentations antérieures, comme celle qui faisait de l’exclamation un type de phrase, impose un travail explicatif assez complexe. Il est un signe que la grammaire, en soi, revient sur le devant de la scène : la question de langue à l’oral du bac de français. Si il évolue vers l’expression d’une véritable réflexion sur la langue et non un catalogue stérile des différentes formes de subordonnées ou autres, l’enseignement de la grammaire au lycée, et par répercussion au collège, devrait retrouver tout son sens. NRP - Novembre 2020 Consultez d'autres articles sur les neurosciences Les émotions au service des apprentissages Apprendre en résistant Le silence est d’or : apprendre… par défaut ! Être attentif… ça s’apprend Des mémoires pour mieux apprendre

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L’IA générative : beaucoup de qualités et quelques vilains défauts
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L’IA générative : beaucoup de qualités et quelques vilains défauts

Par Pierre Bourgeois, professeur de mathématiques La rapidité avec laquelle se développent les intelligences artificielles génératives fait tourner les têtes et donne lieu à des titres accrocheurs dans la presse. Les États aussi ont du mal à suivre : fin mars 2023, l’Italie interdit ChatGPT pour l’autoriser à nouveau un mois plus tard. Pour échapper à la peur d’être anéanti par la machine et ne pas céder à une fascination un peu naïve devant ces boîtes magiques, il ne faut pas hésiter à engager avec elles des conversations, ce qui, comme toujours, permet de mieux se connaître. Et plus, si affinités. Les * renvoient au glossaire Le poids des mots, plus que le choc des photos Des IA dans nos vies En plus de ChatGPT, OpenAI propose deux autres IA génératives : DallE et le tout nouveau Sora. Ces programmes utilisent les mêmes technologies d’apprentissage automatique* basées sur des réseaux neuronaux*. En répondant à une requête textuelle, DallE génère une image tandis que Sora produit une vidéo : d’un simple clic vous pouvez créer un cliché ou un film qui sembleront parfaitement authentiques. Pourtant, il est probable que Dall-E et Sora soient moins plébiscités que ChatGPT, car même si les images et les vidéos ont envahi nos vies, nos activités restent largement basées sur la production de textes écrits. En donnant la possibilité d’automatiser réécritures et reformulations, les grands modèles de langage* bouleversent déjà nos modes de fonctionnement. Les moteurs de recherche comme Google et Bing intègrent déjà, sans le mentionner, des IA génératives, Bard pour Google et ChatGPT pour Bing. Imperceptiblement, Google et Bing sont devenus des moteurs de réponses plutôt que des moteurs de recherche. Qui vous dit, d’ailleurs, que l’article que vous êtes en train de lire, le livre qui est sur votre table de chevet, le discours d’un collègue à l’occasion d’un pot de départ ou même le mot affectueux de la personne la plus proche de vous ont été rédigés sans l’aide d’une IA conversationnelle ? Un remarquable producteur de discours standardisé Amusons-nous à poser à ChatGPT la question suivante – dire « le prompt suivant » si vous parlez à un informaticien : « Bonjour, cher ChatGPT, peux-tu me proposer un exemple de discours d’un dirigeant d’entreprise ? » Voici quelques extraits de sa réponse. « Chers collègues, Je vous remercie d’être présents aujourd’hui alors que nous nous réunissons pour discuter de l’état actuel de notre entreprise et de nos plans pour l’avenir. […] Nous avons récemment réalisé une analyse approfondie de nos forces et de nos faiblesses, ainsi que des opportunités et des menaces qui se présentent à nous. Sur la base de ces informations nous avons élaboré un plan stratégique solide qui guidera nos actions dans les mois à venir. […] En conclusion, je souhaite réaffirmer mon engagement envers notre entreprise et notre équipe. Je crois fermement en notre capacité à surmonter les obstacles et à atteindre de nouveaux sommets de succès. Merci encore pour votre engagement et votre soutien continu. Ensemble, nous pouvons réaliser de grandes choses. Le réseau neuronal qui se cache derrière ChatGPT a ingurgité des milliers de discours de ce type pour en générer un aussi parfaitement standardisé. On ne peut s’empêcher de féliciter ChatGPT, tout en lui faisant remarquer que son discours est d’une grande banalité et qu’il est axé uniquement sur les aspects positifs. Voici sa réponse. « Vous avez raison, un discours qui ne met l’accent que sur les succès et les potentialités fortes de l’entreprise peut sembler incomplet ou peu réaliste. En réalité, un discours équilibré devrait également reconnaître les défis et les domaines où des améliorations sont nécessaires. Voici une version révisée qui prend en compte cette perspective : Chers collègues, […] Il est important de reconnaître que malgré nos succès, il y a encore des domaines où nous devons nous améliorer. Nous devons être ouverts à l’auto-évaluation et à l’adaptation, afin de rester compétitifs dans notre secteur et de répondre aux besoins changeants de nos clients. Dans le cadre de notre processus d’amélioration continue, nous avons identifié plusieurs domaines prioritaires sur lesquels nous allons nous concentrer dans les mois à venir. Cela inclut le renforcement de nos relations clients, l’amélioration de notre efficacité opérationnelle et le développement de notre culture d’innovation. […] » Cet exemple montre la redoutable efficacité des grands modèles de langage* dans le traitement de tous les processus de communication. Ils ne se contentent pas de reproduire un type de discours, ils en fabriquent d’autres, aussi normalisés et indigents que ceux dont on les a nourris. Allons-nous ainsi vers une automatisation des interactions, comme c’est le cas déjà avec les assistants virtuels dans les applications mobiles ou les agents conversationnels, les chatbots des sites Web ? De la bonne ou la mauvaise éducation des IA ChatGPT, champion de la politesse et de la mesure Le succès de ChatGPT repose entre autre sur sa capacité à interagir de manière appropriée avec les utilisateurs. Il a bénéficié de l’expérience malheureuse du robot conversationnel Tay de la firme Microsoft. Ce dernier, mis en ligne sur Twitter en 2016, a dû être arrêté au bout de 4 jours de fonctionnement en raison de ses propos racistes, antisémites et sexistes. À l’époque, l’apprentissage profond, le fameux deep learning* connaît une montée en puissance. Pour les concepteurs de Tay, Twitter était le meilleur endroit pour que le réseau de neurones* apprenne progressivement le langage naturel, d’autant plus qu’un essai grandeur nature en Chine avait été concluant. Hélas, dès sa mise en ligne, Tay a été inondé de tweets racistes et sexistes. En bon réseau de neurones, il s’est servi de ces contenus haineux pour sa phase d’entraînement. Mal éduqué, il est allé jusqu’à mettre en ligne un tweet niant l’existence de la Shoah. Microsoft a présenté des excuses, évoquant une attaque coordonnée d’internautes malveillants, sans communiquer outre mesure sur cet échec. Six ans plus tard, GPT-3, sur lequel ChatGPT s’appuie, a bénéficié d’une technologie plus robuste. Pour éviter les déboires arrivés au logiciel Tay de Microsoft, des opérateurs humains ont méthodiquement étiqueté des milliers de documents, certains sortis des bas-fonds d’Internet, pour apprendre à GPT à rejeter les contenus inappropriés. Une enquête du Times au Kenya en janvier 2023 a d’ailleurs révélé que cette tâche peu valorisante qui consiste à lire et à attribuer une étiquette négative à ce genre de contenus avait été sous-traité à des travailleurs recevant des salaires de misère. Les modèles de langage ne sont pas neutres. Si on ne peut qu’être satisfait du fait qu’un modèle de langage comme ChatGPT ne dérape jamais et ne génère pas de contenu inapproprié, il faut garder à l‘esprit qu’il véhicule les représentations du monde de ses concepteurs : il est « politiquement correct » par construction. Dans le futur, d’autres modèles de langage vont apparaître, imprégnés d’idéologies et de représentations du monde différentes. L’IA est-elle sexiste ? Les organismes internationaux semblent aussi capables d’erreurs d’interprétation. Un récent rapport de l’UNESCO (7 mars 2024) pointe des biais sexistes dans les moteurs de recherche GPT-3.5 et GPT-2 d’OpenAI et Llama 2 de Meta. Selon cette étude, les plateformes associent fréquemment les femmes aux mots « maison », « famille », « amour » alors que les hommes sont associés aux termes « carrière », « salaire » et « entreprise ». Plus terrible encore : l’homme est « ingénieur », « médecin » ou « enseignant » alors que la femme serait « cuisinière », « domestique » ou encore « prostituée ». L’étude dénote en réalité une méconnaissance de ce qu’est un modèle de langage*. Les discriminations qu’il peut générer ne sont que le reflet de ce qu’il a ingurgité. Les robots de ChatGPT ont crawlé (ils parcourent Internet de lien en lien) la presque totalité du Web et ont donc récupéré d’innombrables documents aux contenus sexistes. Mais chaque contenu utilisé est pondéré par un coefficient qui traduit sa fiabilité (à titre d'exemple, Wikipédia, qui ne représente que 3 % des données brutes utilisées dans l’apprentissage, est valorisé à 60 % dans les poids attribués aux paramètres, les sites Web à contenu douteux sont même affectés d’un poids négatif). La fin du rapport, qui propose l'embauche de davantage de femmes dans les métiers du numérique pour remédier à ces dérives sexistes, laisse entrevoir une incompréhension profonde de ce qu'est un LLM. ChatGPT4 n'est qu'un immense miroir qui reflète, à sa façon, l'ensemble des productions crées avant avril 2023. En répondant à nos questions, ChatGPT nous accompagne vers l'avenir en étant par construction tourné vers le passé. Il ne peut en rien prédire les évolutions futures des formes de créations, et même le passé récent de nos sociétés lui échappe totalement. Pour finir sur ce point, j'ai posé la question suivante : « Cher ChatGPT, y a-t-il plus de mathématiciens que de mathématiciennes ? ». « La question de savoir s’il y a plus d’hommes que de femmes dans le domaine des mathématiques est complexe et dépend de nombreux facteurs, y compris les opportunités d’éducation, les stéréotypes de genre, les pressions socioculturelles, etc. Historiquement, les mathématiques ont été dominées par les hommes, mais au fil du temps, il y a eu une augmentation du nombre de femmes s’engageant dans ce domaine. Dans de nombreux pays, les efforts sont déployés pour encourager les filles et les femmes à poursuivre des carrières en mathématiques et dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM). Bien que les disparités persistent dans certains contextes, il est important de reconnaître que les capacités mathématiques ne sont pas liées au genre, et que les femmes ont tout autant de potentiel que les hommes dans ce domaine. » On ne trouve pas le biais sexiste dénoncé par l’Unesco, et sa réponse est bien celle qu’on attend d’un outil numérique produit par une entreprise californienne en 2024. ChatGPT, plus littéraire que matheux ? Tester Il semble sage d’éviter de considérer les IA comme de simples outils au service de l’humanité : les IA sont plus que cela. Leur attribuer des propriétés anthropomorphiques, une intention, une pensée, voire un début de conscience est tout aussi dangereux. Les IA sont, évidemment, moins que cela. Une troisième attitude consiste à commencer par les tester, en se documentant sur leurs principes de fonctionnement, sans oublier d’envisager leurs effets psychologiques et politiques sur nos sociétés. Cette attitude requiert d’avoir toujours à l’esprit que le LLM* a été conçu pour deviner la suite probable d’une histoire, comme s’il pouvait avoir accès à l’ensemble des documents écrits sur le sujet. Créations textuelles Demandons à ChatGPT d’écrire un pastiche de la fable de La Fontaine « Le Corbeau et le Renard », mais sans corbeau ni renard, en lui imposant un chat et une souris. Au prompt « Bonjour Chat GPT, peux-tu réécrire “Le Corbeau et le Renard” en utilisant un chat et une souris sans perdre l’idée d’une farce malicieuse ? », il propose le texte suivant. « Un chat perché sur un mur tenait dans sa gueule une souris, Quelque peu sotte mais pleine d’esprit, disons-le. Un autre chat, voyant cela, lui tint à peu près ce langage : “Hé bonjour, quel bel animal vous avez là !” Sans attendre de réponse, le chat ajouta : “Ah, que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le roi des animaux de compagnie ici-bas.” À ces mots le chat ne se sent pas de joie. Et pour montrer son agilité, il sautille et il gambade. Il se pavane, fait le beau, prétendant être le plus malin des félins. Pendant ce temps, la souris, alertée, s’échappe en un clin d’oeil, Laissant le chat tout confus, sans même un bout de queue à croquer. Moralité : Apprends, chère chatte, qu’il faut se méfier des flatteries Car en cherchant à paraître plus malin que les autres, On finit par perdre le bout de sa queue. » Les contraintes sont respectées. Quelques petites hallucinations, comme souvent dans les réponses de ChatGPT, sont présentes : le chat du premier vers devient une chatte dans la morale et le chat n’a pas de “ramage” ni de “plumage”. Si le dernier vers ne vous satisfait pas, ChatGPT vous le changera. À ma demande, il a proposé « on finit par y perdre son dessert » On peut supposer que le premier vers : « Un chat perché sur un mur » découle du fait que lors de sa période d’entraînement, ChatGPT a dû ingurgiter des centaines d’histoires contenant des chats se trouvant sur des murs. « Perché sur un mur » montre qu’il sait que « se percher » n’est pas réservé à un oiseau sur une branche. Remplacer le fromage par une souris semble un choix possible, les chats aimant à la fois les bouts de fromage et les souris ! Plus créative semble l’introduction d’un deuxième chat, non exigée dans les contraintes de l’énoncé, mais il faut se rappeler que ChatGPT a eu accès à tellement d’histoires… ChatGPT, mauvais élève en mathématiques Ce n’est pas souvent dit, mais en mathématiques, ChatGPT et les LLM n’ont pas un niveau supérieur à celui d’un élève de maternelle. En voici une démonstration rapide, Posons à ChatGPT la question suivante : « Cher ChatGPT, peux-tu écrire une liste de 3 nombres entiers, telle que la somme des deux premiers soit égale à la somme des deux derniers ? » Voici sa réponse : « Bien sûr, voici une liste de trois nombres entiers répondant à cette condition : 4, 3, 7. Dans cette liste, la somme des deux premiers nombres (4 + 3) est égale à la somme des deux derniers nombres (3 + 7), soit 7. » Me sentant obligé de réagir, je lui soumets le prompt suivant : « Sais-tu que 3 + 7 = 10 ? Refais l’exercice. » ChatGPT tente alors de se corriger : « Je m’excuse (sic) pour l’erreur. Reprenons. Une liste de trois nombres où la somme des deux premiers est égale à la somme des deux derniers serait : 1, 2, 3. Dans cette liste, la somme des deux premiers nombres (1 + 2) est égale à la somme des deux derniers nombres (2 + 3), soit 3. » Là commence un dialogue de sourds où ChatGPT campe sur ses positions en répétant à chaque fois exactement la même réponse absurde. De rage, avant de le débrancher, je lui pose la question suivante : « As-tu un exemple dans la littérature de personne très cultivée, connaissant plein de choses, mais inapte à tout raisonnement ? » Et là, il me répond, comme si de rien n’était : « Oui, un exemple classique dans la littérature serait le personnage de Monsieur Homais dans le roman Madame Bovary de Gustave Flaubert. Monsieur Homais est un pharmacien de la ville de Yonville-l’Abbaye, qui se considère comme un intellectuel brillant et qui est avide de connaissances scientifiques et philosophiques. Cependant, malgré sa prétention à être cultivé, il est souvent décrit comme étant inapte au raisonnement logique et ses actions sont motivées par l’opportunisme et l’égoïsme plutôt que par une véritable compréhension ou sagesse. Son incapacité à raisonner de manière cohérente le conduit à commettre des erreurs de jugement et à agir de manière hypocrite tout au long du roman. » Je laisse les lecteurs experts de Flaubert juger de la pertinence de la réponse. Elle souligne en tout cas l’écart entre son niveau en mathématiques et une certaine finesse dans la production de textes. Rien ne dit qu’il est incapable de raisonnement mathématique ou logique. Mais pour progresser, il faudra qu’il ait avalé ce raisonnement dans sa période d’entraînement, et plutôt deux fois qu’une.   Glossaire Machine Learning ou apprentissage automatique C’est un algorithme qui, après une phase d’entraînement, aappris à reconnaître des modèles, avec un taux d’erreur très faible. Le programme est capable ensuite de prendre des décisions en conséquence. Les débuts théoriques datent des années 1960. Dans les années 1990, ses premiers succès apparaissent avec l’augmentation des vitesses de calcul et l’accès aux immenses bases de données numérisées : ce sont les systèmes de recommandations proposés par Netflix ou Amazon, ou la victoire en 1997 de Deep Blue sur le champion du monde d’échecs Gary Kasparov. Le grand public apprend alors que la machine peut apprendre. Réseau de neurones Comme un immense tableau de nombres, il est constitué de couches où seules les couches d’entrée et de sortie sont visibles par l’utilisateur. Le reste est opaque. Inspirés, au départ par les neurones biologiques, ces réseaux apprennent d’abord sur un énorme jeu de données d’entraînement. À chaque fois, les millions ou milliards de paramètres sont ajustés en remontant les couches en sens inverse pour améliorer la performance. À l’issue de la période d’apprentissage, le réseau peut se confronter à un jeu de données qu’il n’a jamais vu et réussir. Deep Learning ou apprentissage profond C’est une partie du Machine Learning qui utilise spécifiquement des réseaux neuronaux complexes. Ces réseaux qu’on appelle récurrents, convolutifs ou Transformers repèrent des caractéristiques pertinentes directement à partir de données brutes, non hiérarchisées ni étiquetées. Les premiers succès notables du Deep Learning furent, en 2012, la reconnaissance d’images lors d’une compétition (voir l’article 1 de cette série) et la reconnaissance vocale (Siri d’Apple, Alexa de Google) dont les voix métalliques envahissent les foyers des geeks branchés. Grâce au Deep Learning, la traduction automatique fait un bond qualitatif énorme, et en 2015 un programme développé par DeepMind (une filiale de Google) appelé AlphaGo bat le champion du monde de jeu de Go, Lee Sedol. Grand modèle de langage ou LLM C’est un réseau de neurones de type « Transformer » très entraîné qui peut saisir le sens global d’une question et donc y répondre avec pertinence. ChatGPT s’appuie sur le modèle de langage développé par OpenAI.

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